Donovan – Interview

Par Woodbrass Team

Même si son nom ne vous dit rien, vous avez déjà entendu la musique de Donovan. La pop lumineuse de ce chanteur et guitariste britannique a défini les années 60 psychédéliques avec des tubes comme Mellow Yellow, Sunshine Superman et The Universal Soldier. Il a même appris la technique de fingerpicking aux Beatles lors de leur voyage commun à Rishikesh en Inde, et est ainsi responsable d’une bonne partie des compositions du double blanc. Il était de passage en France pour annoncer son concert du 11 juin à l’Olympia, et comme il n’avait pas sa fidèle J-45 avec lui, Woodbrass lui a prêté une Gibson J-45 1965 signature Donovan ! Eh oui, prêter la guitare de Donovan à Donovan ça ne s’invente pas ! L’instrument ne l’a pas quitté, qu’il fasse des sessions acoustiques pour RTL ou qu’il réponde simplement à des interviews plus classiques. Avec la gentillesse d’un gentleman, il a bien voulu nous confier quelques secrets.

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avec sa J45 signature pour Les Nocturnes de Georges Lang sur RTL (photo Yazid Manou)

Le deuxième accord de l’intro de Season Of The Witch a une sonorité fascinante. Quel est-il ?
J’ai écrit les accords de Season Of The Witch sur ma J-45 mais sur l’enregistrement, je joue sur une électrique. J’ai écrit cette chanson dans la cuisine de Bert Jansch. Bert est le grand maître du folk-blues, il a été mon professeur et mon mentor. Grâce à lui, j’ai appris la descente La / Sol / Fa dièse / Fa à partir d’un accord de La mineur. C’est la structure descendante du blues et du flamenco. Cette nuit-là, il m’a appris l’accord de Ré 9, et sans cet accord tu ne peux pas faire grand chose en blues.

Tu as appris le fingerpicking aux Beatles n’est-ce pas ?
John m’a entendu jouer un blues en basses alternées avec la technique clawhammer, il m’a aussi entendu faire la fameuse structure descendante. Il est passé devant moi et m’a demandé : « qu’est-ce que c’est ? ça sonne ! », je lui ai dit « tu veux apprendre ? » et il était partant ! Voilà comment je lui ai appris : tu dois choisir un accord au sein duquel les six cordes résonnent, donc le plus évident est le Mi majeur. Et ensuite tu joues ce petit pattern à la main droite (corde de Mi aigu et La, corde de Ré, corde de Sol, corde de Mi grave, corde de Si, corde de Sol). Il a mis deux jours à apprendre ça, puisqu’au départ le cerveau a du mal à comprendre ce que tu lui demandes à alterner entre cordes graves et aigues. Sur un Mi majeur c’est assez plat musicalement, mais lorsque j’ai commencé à lui montrer que tu pouvais appliquer le pattern à la descente de La mineur, il a adoré ! Du coup il a dû apprendre ce fameux Ré 9. Jusque là, les Beatles n’avaient pas joué d’accords ouverts jazz, flamenco ou jazz, ils jouaient des accords simples et purs. Avec un accord ouvert, tu amènes des notes suspendues. De là, John a commencé à essayer le pattern et il a composé Dear Prudence. Paul McCartney était gaucher, et il ne pouvait donc pas apprendre sur ma J-45. Il marchait pas loin de non et John lui disait « Allez Paul, il faut que tu apprennes ça ! », et il répondait « Non, ça va ». Mais il s’en imprégnait malgré cela, puisqu’il écoutait très attentivement. Vu qu’il est bassiste, il a pris le réflexe d’alterner basses et accords, comme il l’a ensuite fait pour Blackbird, dans lequel on retrouve d’ailleurs des accords suspendus… George ne voulait pas apprendre le fingerpicking, il était fan de Chet Atkins et faisait donc le picking à la Chet avec le médiator entre le pouce et l’index et les autres doigts pour jouer les cordes. Il n’avait donc pas besoin du clawhammer, mais il aimait énormément le son de la structure descendante en La mineur. A l’époque, George commençait à écrire de vraies chansons, pas juste des riffs à la Taxman, et il s’est servi de cette descente pour écrire While My Guitar Gently Weeps.

Credit Sydney Randolph Maurer Donovan Discs 2016

Tu es donc à l’origine de chansons qui sont parmi les plus importante des Beatles.
Je n’ai fait que transmettre. Je n’ai pas inventé tout ça, ce sont des techniques très anciennes, et d’ailleurs Ray Davies (chanteur et guitariste de The Kinks, ndr) maîtrisait déjà ces finesses harmoniques, on peut notamment les entendre sur Lazing On A Sunny Afternoon.

Sur quelle guitare as-tu transmis ce savoir ?
John a appris sur ma J-45. Il avait amené sa D-28 Martin mais elle était trop grosse et il préférait les sensations de jeu de la mienne.

Qu’as-tu spécifiquement demandé pour ta Gibson signature ?
J’ai demandé un sillet plus large, pour le fingerpicking c’est beaucoup. Sur l’original, le sillet m’a toujours paru beaucoup trop étroit. Ren Ferguson, le luthier en chef de l’usine acoustique de Gibson à Bozeman, Montana, m’a proposé de faire une J-45 plus profonde et plus puissante, j’ai dit non. Il m’a proposé de rallonger la touche, j’ai dit non. Il m’a proposé de mettre plein d’électronique dedans, j’ai dit non. Ils ont juste mis un petit système L.R. Baggs qui est parfait.

j45donovan

Tu as enregistré avec le producteur Rick Rubin dans les années 90.
Rick Rubin est un puriste. Il m’a dit : « faisons un album comme tu les faisais dans les années 60 ». Il m’a demandé d’écrire un autre Mellow Yellow, un autre Sunshine Superman, un autre Hurdy Gurdy Man. Nous avons donc commencé avec une simple guitare, de façon très pure, avant de voir ce qu’on pouvait construire tout autour. Le studio était dans la Valley de Los Angeles, il s’appelait Valley Sound je crois, et il l’a acheté ! Les propriétaires du studio lui ont proposé de le moderniser, et il leur a répondu : « si vous le modernisez, je ne reviendrai jamais ! Laissez tout tel quel, même les lampes à lave et le canapé défoncé ! ». Pendant les sessions, l’ingénieur a commencé à mettre des paravents pour isoler la batterie et ma guitare, Rick lui a demandé de les enlever. Lorsque j’enregistrais ma voix, je lui ai demandé si je pouvaix avoir un peu d’écho pour me sentir à l’aise, il m’a répondu : «  tu n’as jamais eu d’écho en 1967 ». Nous sommes donc revenus au son le plus primitif et originel. C’est exactement ce dont j’avais besoin.

Aimes-tu toujours Sutras ?
Absolument. Cet album était en avance sur son temps. A l’époque, il travaillait avec Johnny Cash. Il m’a amené dans sa maison de Malibu et m’a fait écouter une démo de Johnny avec sa guitare. Il m’a ensuite fait écouter un autre enregistrement, sur lequel Johnny Cash était accompagné des meilleurs musiciens de session de Los Angeles avec plein d’énormes invités. Il m’a demandé mon avis, et je lui ai dit que je préférais les démos. Il a répondu : « moi aussi ». Il n’était pas du genre à se compromettre, exactement comme le producteur Mickie Most, qui n’avait pas peur de me dire quand une chanson n’était pas assez bonne.

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