Interview – Trev Wilkinson (Vintage, Fret King)

par Woodbrass Team

Le salon NAMM de Los Angeles est souvent l’occasion de croiser les concepteurs des différentes marques, et discuter avec eux est une excellente manière de comprendre la logique derrière leur marque. Dans le cas du britannique Trev Wilkinson, les marques pour lesquelles il créée font partie de l’histoire de notre instrument : Wilkinson, Fret King, Italia et surtout Vintage, qui présentait sur son stand le nouveau modèle signature de Jerry Donahue.

trevPour commencer, peux-tu nous expliquer comment tu en es arrivé à ce nouveau modèle signature de Jerry Donahue ?
Jerry aime le côté dynamique des micros simples, il trouve cette forme à un pan coupé très confortable, mais il utilisait jusque là plusieurs guitares différentes pour obtenir différents sons : une stratocaster classique, une telecaster classique, une 335… Chacune de ces guitares n’a qu’un son, le son caractéristique du modèle. Jerry s’est donc dit qu’il serait génial d’avoir tous ces sons sur une seule et même guitare. Nous avons donc utilisé un micro simple de taille normale en position grave plutôt que le petit micro de Tele pour obtenir un son plus rond, plus transparent. Nous avons ensuite travaillé avec Seymour Duncan pour qu’ils nous développent un switch à cinq positions qui permet en plus d’obtenir le micro grave avec les aigus coupés pour son de ES-175, une position avec les deux micros hors phase, et enfin les deux en parallèle pour le son façon Mark Knopfler. Pour les bois, nous avons utilisé un corps en aulne avec une table en frêne au beau grain. Jerry aime le binding, donc nous en avons utilisé un. Pour la forme du manche, nous nous sommes inspirés d’un profil en V doux sur une Tele datant 1958.

Combien de temps prend en général le développement d’un tel modèle ?
Dans ce cas précis c’était très court, puisque le deuxième prototype était le bon ! Nous avons donc conçu le modèle en moins de trois mois.

Comment t’y prends-tu pour adapter un modèle conçu pour un artiste précis aux envies du plus grand nombre ?
Pour tous les modèles signature de mes marques, je réalise exactement la guitare que recherche l’artiste. Parmi ceux qui l’achèteront, il y a des musiciens qui veulent être comme lui, et certains qui jouent comme lui. Si je cherchais à adapter les modèles signature au grand public, il ne s’y intéresserait pas plus, je cherche donc avant tout à faire une guitare qui corresponde exactement à ce que cherche l’artiste.

jerryTu n’es donc pas à l’écoute des besoins du marché ?
Je ne crois pas que ces besoins existent. Nous avons chacun un son différent dans la tête, et plein de manières différentes d’y arriver. Lorsque nous faisions des Fret King sur commande, le plus frustrant était de faire face aux préjugés des gens sur le son. Ils me disaient « je voudrais une Strat en aulne avec un Seymour Duncan SSL-1 et un Lindy Fralin… », et une fois que je l’avais construite, ils me disaient « oh, ça ne sonne pas comme je pensais ». C’est pour cette raison que j’ai arrêté : il est impossible de construire une guitare sur mesure à moins d’y passer beaucoup de temps. Je conseille donc aux gens de trouver une guitare de série qui est la plus proche possible du son qu’ils recherchent, et de partir de cette base pour affiner sa recherche.

J’aime beaucoup le fait que de nombreux modèles de ta gamme soient inspirés de guitares un peu oubliées par l’histoire, comme la Trini Lopez ou la Firebird non reverse par exemple.
Je voulais évoquer les classiques mais pas les copier, et j’ai toujours voulu développer une marque avec son identité propre, d’où les plaques de protection et les têtes très distinctives. Je ne suis pas obligé de donner dans la nostalgie ou dans la réédition à l’identique. Quand je reprends le format strat, rien ne m’empêche de changer les micros, l’électronique et la forme de la plaque de protection. La marque qui a conçu ce modèle ne peut pas se le permettre, puisque cela reviendrait à reconnaître que leur design de départ n’était pas parfait.

Il y a trois ans, tu avais présenté ton modèle de guitare auto-accordante. Où en es-tu sur ce concept ?
La société qui nous fournissait les pièces n’existe plus.

Du coup ce modèle va devenir une pièce de collection ?
Exactement !

Quels sont tes prochains défis côté design ?
Je suis toujours à la recherche d’un meilleur outil. Nous travaillons avec plusieurs artistes, j’adore l’idée d’adopter une approche différente par rapport à un design classique. Tu regardes cette guitare (il me montre une Fret King de forme Strato) et tu dis que tu sais ce que c’est, mais en regardant de plus près tu vois plein de détails qui font la différence. Nous travaillons dans une industrie proche de la mode. Je ne veux pas manquer de respect pour Steinberger ou Parker, mais les guitaristes sont très conservateurs et on peut facilement les perdre. Pour une industrie qui existe pour le son, nous prenons beaucoup de décisions par nos yeux.

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