La chanson du Roland

Par Julien Bitoun – Woodbrass Team

Connaissez-vous le JC-120 ? Même si le nom ne vous dit rien, vous l’avez forcément entendu à de très nombreuses reprises tant son grain si particulier est gravé sur des milliers de tubes des années 70 à nos jours. Nous vous proposons un petit retour sur l’ampli qui a changé les règles.

roland-jc120

Dans tous les préamplis à modélisation du monde, quelle que soit leur marque, il y a des amplis simulés que l’on retrouve à chaque fois : le Marshall plexi, le Fender Twin, le Vox AC30, le Mesa Boogie Dual Rectifier et… le Roland JC-120 ! La fameuse simulation « Jazz Clean » est la seule à reproduire le comportement d’un ampli à transistor, et le JC est la seule série sans aucune lampe à être devenue légendaire et indispensable dans l’arsenal des pros. Le JC est arrivé sur le marché en 1975, et il approche donc tranquillement la quarantaine, sans aucun changement visuel ou de circuit : aucun autre modèle ne peut en dire autant !

Au milieu des lampes

Avant le JC-120, les amplis à transistors commençaient déjà à avoir mauvaise presse. Les grandes marques avaient tenté de les présenter comme une alternative plus solide (et surtout moins coûteuse à fabriquer pour eux) aux lampes, mais les musiciens n’ont pas suivi. Il y a bien les amplis Kustom, à la fameuse finition en doudoune plastique aux couleurs funky, qui sont célèbres pour avoir été utilisés par John Fogerty sur les albums de Creedence Clearwater Revival. Mais c’est à peu près tout… ça c’était avant le JC-120 ! Jusque là, la firme japonaise Roland avait surtout conçu des synthétiseurs et quelques pédales d’effet très rigolotes (notamment la fuzz Bee-Baa dont le nom seul suffit à faire rire), mais l’arrivée de cet ampli change la donne, et ça n’est d’ailleurs pas un hasard si elle correspond au lancement de la marque Boss qui présentera des produits spécialement adaptés aux guitaristes.

Vraie stéréo

Boss_CE1_ChorusL’abréviation JC-120 signifie « jazz chorus », et tout est dit : il s’agit d’un ampli de 120 watts conçu pour un son clair avec un effet chorus intégré, une première à l’époque puisque jusque là la reverb et le trémolo (aussi présents ici) étaient les seuls effets présents sur les amplis. La stéréo du JC-120 est très particulière et n’a jamais été reprise dans d’autres circuits : au lieu de sortir le chorus en stéréo sur deux hauts parleurs comme c’est généralement le cas, le chorus sort ici sur deux amplis de puissance séparés qui ont chacun leur haut parleur. On a donc un chorus stéréo, deux amplis de 60 watts chacun et deux hauts parleurs de douze pouces. Le résultat est un chorus enivrant, épais et qui donne envie de se noyer dedans. D’ailleurs, l’effet est un tel succès que l’année suivante, en 1976, Roland sort sa version pédale, le Boss CE-1.

Who’s who

Les mauvaises langues diront que la distorsion intégrée est plus une blague qu’autre chose, et elle est effectivement très agressive et peu naturelle. Mais on n’achète pas un JC-120 pour le son saturé ! C’est son grain clair très puissant (puisque contrairement à un ampli à lampes il ne sature pas quand on le pousse en volume) qui en a fait l’ampli ultime pour de nombreux jazzmen (Pat Metheny), funkymen ou même métalleux qui adorent avoir un son clair très droit pour ensuite passer sur une énorme distorsion (Metallica, Limp Bizkit). Tout le rock new wave, gothique et batcave des années 80 tire le son très froid de ses albums du JC-120, via Robert Smith (The Cure), Johnny Marr (The Smiths) ou David Byrne (Talking Heads) par exemple. En raison de son extrême solidité, il est devenu l’ampli de référence pour les musiciens qui jouent dans des climats hostiles, comme les musiciens africains dans la lignée de Ali Farka Touré dont les amplis ne doivent pas craindre le sable. Enfin, c’est un JC-120 que l’on entend sur l’incroyable son clair de Every Breath You Take de Police.

Encore au catalogue 2025 ?

Entre temps, il y a eu des déclinaisons avec différentes puissances et différentes configurations de hauts parleurs (notamment le JC-160 avec quatre hauts parleurs de dix pouces), mais le JC-120 reste le standard absolu. Contrairement à de nombreuses marques qui lancent une campagne marketing dès qu’ils sortent un produit dans une nouvelle couleur, Roland n’a jamais changé une équipe qui gagne. 38 ans après son introduction, le Jazz Chorus a donc exactement le même look, fait toujours preuve d’une solidité à toute épreuve et surtout délivre exactement le même son. A vous de faire l’expérience.

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