Le mellotron, cinquante ans de règne

Par Jules Joffrin – Woodbrass Team

On se souvient des années 60 comme d’une période de création artistique privilégiée, au cours de laquelle des groupes comme The Beatles ou Pink Floyd ont repoussé les limites de la pop musique pour l’élever au rang d’art. Mais ces artistes tiraient leur inspiration d’instruments nouveaux, dont l’apparition a été rendue possible par l’acharnement de créateurs de génie.

http://www.mellotron.com/images/101-0120x_IMG.jpg

La décennie 50 avait été riche en innovations du côté des instruments à cordes : Fender avait lancé la Telecaster, la Precision Bass et la Stratocaster, Gibson avait inventé la Les Paul, et ces deux marques avaient développé les amplis pour aller avec. Mais jusque là le claviériste du groupe était condamné au B3 Hammond qui tentait de reproduire un orgue d ‘église. Cela change en 1963 grâce à l’association d’un représentant en claviers, Bill Fransen, et du musicien Eric Robinson. Ces deux britanniques conçoivent leur propre produit en s’inspirant des claviers Chamberlin. Le concept est révolutionnaire : le Mellotron (puisque c’est ainsi qu’ils baptisent leur création) reproduit différents sons d’instruments par le biais de notes enregistrées sur bande. Chaque touche appuie sur une tête de lecture qui entre en contact avec la bande qui tourne en boucle, et déclenche alors la note correspondante. Il s’agit tout simplement des premières tentatives de sampling bien avant que le mot n’existe, mais plus analogique tu meurs ! D’ailleurs, chaque note a du coup un caractère bien particulier puisqu’elle a été enregistrée par un musicien dans un studio : il y aurait même un bruit de craquement de chaise sur une note des sons de violoncelle !

Décollage
Le mellotron devient l’instrument chéri des groupes Anglais à partir de 1964, avec le fameux Mark II, que l’on voit avec Graham Bond et les Moody Blues, et surtout sur l’utilisation qui reste à ce jour la plus célèbre : l’intro de Strawberry Fields Forever des Beatles en 1967. Ce son de flûte tremblant sera d’ailleurs aussi utilisé pour l’intro de Stairway To Heaven de Led Zeppelin, et met bien en évidence le caractère très particulier du Mellotron. Sa méthode de lecture par bandes fait qu’il ne reproduit pas vraiment les instruments qui ont été enregistrés. D’abord, aucun instrument ne joue exactement la même note deux fois de la même manière. D’autre part, la nature même de la bande fait que la note fluctue légèrement dans sa justesse, ce qui donne un côté tremblotant typique. Enfin, chaque bande est mise en boucle mais il y a un moment de transition entre la fin de la bande et le retour au début, ce qui fait qu’aucune note ne dure pour toujours sur le Mellotron. On entend bien cet effet de coupure sur l’intro de Watcher Of The Skies de Genesis, sur lequel Tony Banks utilise le son de chœur.

http://media.rhizome.org/blog/2344/M400-Mellotronfinal.jpgLe Mellotron du futur
En 1970, Mellotron sort le M400, le best seller absolu de la marque, et ce pour deux raisons. D’une part, il est mieux conçu que ses prédécesseurs (plus léger notamment, donc plus facile à déplacer), et d’autre part, il arrive à pic en même temps que l’explosion du rock progressif en Angleterre, et tous les groupes se tirent la bourre pour voir qui aura le plus beau clavier. Face à l’explosion du numérique, le Mellotron tirera sa révérence en 1986, mais une nouvelle usine à Stockholm a repris la production en 1999, face aux demandes d’artistes amateurs de sons vintage comme Opeth. Ce qui est beau à notre époque, c’est que l’on retrouve les samples originaux du Mellotron dans les banques de sons de nombreux claviers numériques, et il est donc plus facile que jamais de l’intégrer dans vos productions. La marque de claviers Nord a racheté les bandes originales et on retrouve donc un mellotron plus vrai que nature dans son Electro 4 et son Stage 2. D’ailleurs, aucun producteur ne se gêne pour épaisseur ses refrains avec les sons de chœurs ou d’orchestres cachés au fond du mix… à vous de jouer !

Laisser un commentaire