par Woodbrass Team
Au début des années 70, le rock durcit le ton et devient ce qu’on appellera le heavy metal, un style musical qui donnera à son tour naissance à de très nombreux courants. Face au déluge de sous-styles en vogue à l’heure actuelle (djent, nü metal, death metal, metal atmosphérique, black metal norvégien, viking metal, pagan metal, j’en passe et des meilleurs !), il est parfois utile de remonter à la source pour mieux s’y retrouver. Voici donc les 10 albums indispensables pour comprendre l’évolution du métal depuis les années 70.
Black Sabbath – Black Sabbath (1970)
Encore un gaucher qui a révolutionné la musique… Armé de sa fidèle Gibson SG, le britannique Tony Iommi a écrit les règles du style à grands coups de riffs sombres et pachydermiques. Dès le premier titre, tout est dit. L’ambiance est poisseuse, malsaine, et la voix torturée d’Ozzy Osbourne ne fait rien pour nous rassurer. Paranoid (le deuxième album, sorti plus tard la même année) est l’album classique du groupe, mais il n’est pas un groupe de métal qui n’a pas rêvé un jour d’avoir écrit un riff si simple et diablement efficace que le titre Black Sabbath et sa quinte diminuée à donner des frissons.
Van Halen – Van Halen (1978)
La révolution suivante vient de l’autre côté de l’Atlantique, avec l’incroyable virtuose Eddie Van Halen et le groupe qui porte son nom (avec son frère et la batterie et l’inénarrable David Lee Roth au chant). Ce premier album allie une ambiance de fête qui sent bon la Californie et un goût prononcé pour les riffs énormes au son gras et précis à la fois (Plus de trente ans plus tard, les geeks de matos se posent encore la question de savoir précisément comment était réglé le Marshall d’Eddie pour l’enregistrement de cet opus). Mais il est aussi difficile de passer à côté du tapping et du débit de notes hallucinant de Erruption, qui renverra tous les guitaristes à leurs gammes.
Ozzy Osbourne – Blizzard Of Ozz (1980)
Pour ce premier album solo sans son ancien groupe Black Sabbath, Ozzy s’est allié avec le guitariste californien Randy Rhoads, qui donnera d’ailleurs son nom à la superbe forme de Jackson qu’il a aidé à développer après des années sur sa Les Paul Custom blanche. Blizzard Of Ozz contient sa dose de riffs classiques et entêtants (Crazy Train), de ballades larmoyantes (Goodbye To Romance) et de solos à tomber par terre (Mr. Crowley). A l’heure actuelle, on connaît surtout Ozzy comme un clown de reality-TV, mais fut un temps où il était un artiste majeur du heavy metal.
Iron Maiden – The Number Of The Beast (1982)
L’Angleterre ne s’est pas complètement remise de la révolution punk de 1977, et ça s’entend dans la musique de Iron Maiden. Ce troisième album est le premier avec Bruce Dickinson au chant, qui reste à l’heure actuelle la voix du groupe. On y entend un mélange de riffs aussi sombres que les thèmes des paroles (Hallowed Be Thy Name), de morceaux ultra rapides entre punk et rock plus ancien (Invaders), et de chevauchées épiques (Run To The Hills). Les parties harmonisées à deux guitares font passer Wishbone Ash pour des amateurs, et le chant suraigu de Dickinson sera très souvent singé mais jamais égalé. Et puis il y a bien sûr cette pochette, qui inspirera les t-shirts de millions d’adolescents cherchant à agacer leurs parents.
Metallica – Master Of Puppets (1986)
On repasse du côté américain pour le troisième album du groupe qui reste à l’heure actuelle le plus gros poids lourd du style, au point qu’il draine des foules auxquelles aucun autre groupe de métal ne peut prétendre (Stade de France entre nombreux autres). L’alchimie entre la guitare rythmique de James Hetfield (au son de bison avec ESP branchée sur Mesa Boogie) et la batterie claquante de Lars Ulrich (sur Tama) forme l’épine dorsale d’une série de chansons mythiques qui font encore partie de la setlist du groupe trente ans plus tard. Les riffs sont rapides, vicieux, tranchants et gras, l’ambiance électrique, il ne manque rien.
Slayer – Reign In Blood (1986)
Quand on parle de vitesse, les californiens de Slayer ne sont jamais loin, au point que cet album classique ne dure que 29 minutes ! La production de Rick Rubin (avec qui ils travaillent alors pour la première fois) met parfaitement en valeur les sons à la fois sales et tranchants des deux guitaristes (merci le Marshall JCM800 !), ainsi que la batterie épileptique de Dave Lombardo qui ne ménage pas sa Tama une seule seconde. Les 10 titres s’enchaînent sans relâche dans une ambiance de train fantôme à grande vitesse, morbide et excitant à la fois, et le tout culmine sur le titre Raining Blood, dont la construction tortueuse exige plusieurs écoutes pour en comprendre la beauté sauvage.
Anthrax – Among The Living (1987)
Anthrax est souvent le grand oublié lorsque l’on parle des « big four » du thrash metal (Metallica, Megadeth, Slayer et Anthrax justement), puisqu’ils n’ont pas connu un succès aussi colossal et sans doute aussi parce que leur image plus légère de skateurs sympathiques les a rendus moins crédibles que les tueurs à gage des autres formations. Pourtant, la main droite du guitariste rythmique Scott Ian (Jackson sur Marshall JCM800, classique et de bon goût) est à elle seule une arme de destruction massive, capable d’alterner riffs rampants (Among The Living) et passages speed à la façon d’un Motörhead en bien plus précis (Caught In A Mosh). En 1991, ils sortiront le titre Bring The Noise en duo avec Chuck D, chanteur du groupe rap Public Enemy, et donneront l’idée à tous les groupes de métal d’introduire du hip hop dans leur cuisine.
Megadeth – Rust In Peace (1990)
Dave Mustaine, le chanteur / guitariste / dictateur de Megadeth, a commencé sa carrière comme premier soliste de Metallica mais a été remercié avant de pouvoir enregistrer avec eux. Sa revanche a été de monter Megdadeth, aux riffs encore plus tranchants et rapides que son ancien groupe. Ce quatrième album est le premier avec ce qui sera considéré comme la formation classique du groupe (Marty Friedman à la deuxième guitare, Dave Ellefson à la basse – sur Jackson tout comme Marty et Mustaine – et Nick Menza à la batterie – encore une Tama !). Les solos s’éloignent de la traditionnelle pentatonique en allant piocher dans des gammes plus exotiques, les chansons sont complexes et peuvent changer radicalement d’ambiance d’une mesure à l’autre, et le tout donne un album qui s’écoute encore comme un sacré tour de montagnes russes.
Judas Priest – Painkiller (1990)
Judas Priest est un groupe pionnier de la New Wave Of British Heavy Metal, le mouvement britannique de la fin des années 70 qui a aussi donné naissance à Iron Maiden et Def Leppard, et leur album classique pour cette période est bien sûr Sad Wings Of Desiny. Mais ce Painkiller, enregistré en France (cocorico !) en 1990, est à plusieurs titres le sommet du groupe. Dès l’incroyable intro de batterie qui ouvre l’album, le ton est donné : les sons sont froids et précis, les tempos sont épileptiques et les énormes riffs à deux guitares démolissent tout sur leur passage. Et puis il y a bien sûr le chant de l’incomparable Rod Halford, une véritable gargouille électrique couverte de cuir et de clous. Kitsch, très exagéré de tous points de vue, mais tellement jouissif !
Pantera – Vulgar Display Of Power (1992)
Les texans de Pantera sont les derniers à avoir mis d’accord toute la communauté métal autour de leur musique ultra puissante. Ce n’est pas un hasard, le groupe est composé de fans extrêmistes de Black Sabbath… Les frères Dimebag Darrell (guitare) et Vinnie Paul (batterie Pearl) ont cette qualité extrêmement rare et précieuse d’arriver à faire groover des riffs pachydermiques. Mouth For War et A New Level donnent l’impression de passer sous un rouleau compresseur, tandis que Fucking Hostile court comme un lapin sous coke. Il y a même les ballades This Love et Hollow pour montrer un visage plus doux et sensible, mais l’illusion ne dure jamais longtemps…