Par Woodbrass Team
S’il n’avait pas succombé à son diabète le 14 mai dernier, Riley B. King fêterait aujourd’hui ses 90 ans. C’est donc l’occasion pour nous de revenir sur celui qui a redéfini le blues et le jeu de guitare qui va avec. L’influence du Roi du Blues est colossale, et se ressent aussi bien chez les héritiers directs (Eric Clapton, Jimi Hendrix) que chez les rejetons plus éloignés (Steve Vai, Van Halen). Le lieu commun journalistique est que tout guitariste électrique lui doit forcément quelque chose, mais que doivent exactement les musiciens d’aujourd’hui à B.B. King ?
Pour commencer, King est un pionnier de l’électricité. Il n’est pas le premier guitariste électrique (d’autant plus que ce titre est particulièrement difficile à décerner vu que plusieurs expérimentations parallèles allaient dans ce même sens) mais il fut parmi les premiers à développer un jeu spécifique exploitant pleinement cette innovation. Son parcours a commencé par un micro DeArmond installé sur une Gibson L-30 (la première Lucille !), il aura ensuite de nombreux modèles différents, solidbody (Fender Esquire, Gibson Les Paul goldtop) comme hollow ou semi-hollowbody (L-5, E-5, ES-175 puis ES-335, 345 et 355). Même s’il ne l’a pas inventé, King a écrit une bonne partie des règles du blues électrique. Riley a beau avoir grandi sur une plantation, il a immédiatement compris et intégré les codes du blues urbain. Suivant les traces de T. Bone Walker, il a très vite intégré des arrangements de cuivre complexes et du piano dans sa musique, une direction musicale qu’il défendra jusqu’au bout. Sur certains titres comme son grand classique The Thrill Is Gone, on peut même entendre une section de cordes.
Jeu de mains
King était un grand amateur de jazz, et il s’est donc inspiré du phrasé des instruments à vents qui sont généralement les solistes dans ce style. Avant lui, la guitare solo était souvent jouée de manière très sèche et nerveuse, avec peu de durée de note. Entre les mains magiques de Riley, l’électrique apprend à chanter. Il développe son vibrato main gauche comme aucun autre ne l’avait fait avant lui, un vibrato que reproduiront quasiment à l’identique des géants comme Angus Young et Paul Kossoff. Ce vibrato est une manière de reproduire le souffle d’un saxophoniste, et ajoute une couleur immédiatement reconnaissable à chaque note que joue le King. Il était aussi fan de musique country, et c’est en cherchant à imiter le son du pedal steel qu’il a poussé très loin sa maîtrise des bends. Les bends tels qu’on les fait à l’heure actuelle portent sans ambiguïté la marque de B.B. King.
Le roi du silence
Ces techniques ont donné à Riley un jeu extrêmement personnel et expressif, et aucun guitariste n’a pu atteindre la puissance émotionnelle qu’il était capable d’insuffler dans de simples phrases de trois notes. Souvent même, une note suffisait, pour peu qu’il s’agissait de la bonne et qu’elle était vibrée avec goût. Mais pour autant, B.B. était un vrai gentleman et ne ressentait pas le besoin d’étaler son talent à longueur de pistes : en 70 ans de carrière, il n’a jamais joué pendant qu’il chantait, gardant toujours un moment bien précis pour ses interventions guitaristiques, qui éclairaient toujours le morceau de leur brillance mélodique. Pas besoin d’en mettre partout et tout le temps, le silence est au moins aussi important que les notes qui l’entourent.
Enfin, un dernier trait fait de B.B. King le père spirituel de tous les guitaristes actuels : la passion. B.B. avait un amour dévorant pour son instrument, à qui il avait donné un prénom féminin (Lucille) et qu’il n’a jamais délaissé pour plus de quelques heures. Tôt dans sa carrière, il a même sauvé sa Gibson d’un bar en flammes au péril de sa vie, après un concert qui a mal tourné. La belle le lui a bien rendu en faisant de lui une légende.