Par Woodbrass Team
La communauté batteuristique est en deuil depuis que la nouvelle est tombée le mercredi 29 juillet 2015 : Everett Joseph Firth est mort. Le prénom ne vous dit peut-être rien, mais son surnom vous rafraîchira probablement la mémoire : Vic Firth était le fondateur de la légendaire marque de baguettes qui continue encore de chercher de meilleurs moyens de frapper des peaux 52 ans après sa création. Si vous êtes batteur ou percussionniste, il y a fort à parier que vous avez passé de longues heures avec le nom de Firth calé dans le creux de la main. Les batteurs de tous poils, de Charlie Benante (Anthrax) à Alicia Warrington (Gore Gore Girls), ont multiplié les hommages au grand homme sur les réseaux sociaux, voici notre modeste contribution.
Le parcours de Everett Firth est une véritable success story à l’américaine. Il est né en 1930 à Winchester, Massachusetts, au cœur de la Nouvelle Angleterre et à quelques kilomètres de Boston. Il grandit à Sanford, dans la Maine, à environ 150 kilomètres plus au nord. Son père s’appelle aussi Everett, et il est musicien professionnel. Il joue de la trompette et du cornet à piston, le petit Everett suit donc son exemple et se met au cornet à l’âge de 4 ans. Il passe ensuite par plusieurs instruments avant de se concentrer sur la percussion. Sa musicalité exceptionnelle, doublée d’un sens certain de l’entreprenariat, fait qu’à 16 ans seulement il monte son propre groupe de 18 personnes, le Vic Firth Big Band. En parallèle de sa carrière musicale, il poursuit ses études au New England Conservatory of Music de Boston, préparant un Bachelor’s Degree en musique (l’équivalent de la licence), et il donne des cours aux apprentis batteurs de la Nouvelle Angleterre. Certains de ses élèves, comme Kenny Aronoff (John Fogerty, Bob Dylan, B.B. King…), Harvey Mason (Herbie Hancock) ou encore Anton Fig (Ace Frehley, Joe Bonamassa), deviendront d’ailleurs eux-mêmes de grands instrumentistes. La vie professionnelle de Firth bascule une première fois lorsqu’il auditionne pour le Boston Symphony Orchestra, l’un des cinq plus grands orchestres symphoniques des Etats Unis. A 21 ans, il n’a aucune chance puisque le musicien le plus jeune de l’ensemble a alors 30 ans de plus que lui ! Et pourtant, il devient le percussionniste de l’ensemble, une place qu’il occupera pendant 51 ans, jusqu’à son départ à la retraite en 2002. Entre temps, il aura l’occasion de jouer sous la direction de légendes comme Leonard Bernstein ou Valdimir Horowitz. Seriji Ozawa, le chef d’orchestre du BSO, dira de lui : « Chaque performance de Vic était remplie d’élégance, de musicalité et d’un timing impeccable. ».
Une baguette est née
En 1963, Vic décide de s’attaquer à un problème qui le freine régulièrement dans ses performances : à l’époque, les baguettes ne sont pas fabriquées avec la rigueur que nous connaissons désormais, et elles ne sont pas forcément adaptées à toutes les finesses d’interprétation que recherche un virtuose comme Firth. Il s’enferme alors dans son garage et commence à tailler lui-même ses baguettes à la main. Il envoie ces prototypes à un tourneur de Montréal et ses élèves sont les premiers convaincus à l’essai. Face à cette demande naissante, Vic monte la société Vic Firth et les deux premiers modèles vendus par les revendeurs, les SD1 et SD2, sont des répliques exactes des premières baguettes conçues par Firth dans son garage. 52 ans après, elles sont toujours en vente dans le monde entier. Ce succès colossal s’explique par l’exigence constante de qualité et d’innovation de la part du fondateur : Vic Firth est à l’origine de la plupart des techniques actuelles de fabrication, et a été la première marque à se poser la question de l’appairage des baguettes, afin que les deux soient parfaitement assorties, qu’elles fassent le même poids et produisent la même note. D’ailleurs, parmi les batteurs, les Vic Firth ont la réputation d’être la « perfect pair », la paire parfaite. Les ingénieurs de la marque ne se sont jamais reposés sur leurs lauriers, et Vic Firth continue de montrer la voie pour les autres fabricants de baguettes. Récemment, ils ont par exemple poussé leur production dans la direction d’une plus grande durabilité environnementale.
Le Boston Symphony Orchestra en 1963
La baguette des stars
Hormis une brève aventure dans le monde de l’équipement de cuisine (il existe donc des moulins à poivre Vic Firth Gourmet), Vic Firth est restée quasi-exclusivement une marque de baguettes, et elle continue de faire ce qu’elle fait de mieux. D’ailleurs, la liste des batteurs qui disposent de leur modèle Vic Firth Signature ressemble à un véritable who’s who de la batterie tous styles confondus, et il y en a même trop pour tous les citer ici. On retiendra notamment Greg Bissonnette (Ringo Starr, Spinal Tap), Cindy Blackman (Santana), Terry Bozzio (Frank Zappa, Steve Vai), Billy Cobham (Miles Davis, Mahavishnu Orchestra), Steve Gadd (Paul Simon, Eric Clapton, Steely Dan), Vinnie Colaiuta (Jeff Beck, Sting), Jack Dejohnette (John Coltrane, Miles Davis), Steve Jordan (Eric Clapton, Cat Stevens), Abe Laboriel Jr. (Paul McCartney), Nicko McBrain (Iron Maiden), Dave Weckl (Chick Corea, Mike Stern) ou encore Charlie Watts (the Rolling Stones). Cette liste n’est que la partie émergée de l’iceberg, puisque avec une production annuelle de 12 millions de paire, il n’y a pas un batteur qui n’ait pas un jour eu des Vic Firth entre les mains. Everest Firth n’est plus, mais son œuvre continuera de frapper des peaux pendant de longues années encore.