Si vous souhaitez prendre le temps cet été pour réfléchir aux meilleurs usages de l’enseignement artistique, pour vous et vos enfants, il sera alors indispensable de vous tourner vers le Guide de l’enseignement artistique, élaboré par les équipes de la Lettre du Musicien et de la Fédération des usagers du spectacle enseigné (FUSE). Pour en savoir plus la team Woodbrass a questionné Marie Hédin-Christophe, directrice générale de la Lettre du Musicien, et Muriel Mahé, directrice de FUSE.
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Marie Hédin-Christophe, directrice générale de la Lettre du Musicien
Avant de rejoindre la Lettre du Musicien il y a quatre ans, Marie Hédin-Christophe était déléguée générale de la FEVIS, une fédération professionnelle rassemblant les ensembles de musique spécialisés, allant de la musique ancienne aux répertoires contemporains. Ses missions ont été de renouveler fondamentalement le média à la fois dans son positionnement, son format et son modèle économique. En collaboration avec Antoine Pecqueur, qui a été directeur de la rédaction pendant quatre ans, ils ont ensemble travaillé à une nouvelle ligne éditoriale rajeunie et engagée. La mission étant de rester pertinent sur le lectorat professionnel, tout en élargissant les sujets des articles aux enjeux de société. Depuis son arrivée à la LDM, Marie a pu rejoindre le Spiil, syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, dont elle est aujourd’hui Vice-Présidente.
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FUSE, la Fédération des Usagers du Spectacle Enseigné
Toute jeune fédération puisqu’elle a à peine plus de 10 ans d’existence, FUSE est soutenue depuis l’origine par le ministère de la culture. Elle a été créée avec des responsables d’associations d’usagers des conservatoires, des étudiants en écoles supérieures et des artistes amateurs. Il s’agissait de prendre en compte la diversité des lieux d’enseignement dans le champ du spectacle vivant (du cours particulier jusqu’au conservatoire, en passant par l’école associative) et l’éventail très large des projets des gens qui s’y inscrivent (depuis l’éveil et l’initiation, jusqu’à la formation supérieure de futurs professionnels, en passant par l’activité de loisir du plus grand nombre).
FUSE a pour ambition de représenter cette diversité de publics et de relations à l’enseignement artistique auprès des instances nationales et des autres parties prenantes que sont les directeurs de conservatoires, les artistes-enseignants, les élus des collectivités, etc. S’appuyant sur les principes de la démocratie culturelle, elle s’est fixée comme objectif central de susciter, accompagner et structurer la parole des usagers de l’enseignement artistique en musique, danse, théâtre, cirque et de développer un engagement citoyen en la matière. Pour ce faire, elle propose des formations, des webinaires d’information, des conférences-ateliers et met à disposition de tous, des ressources sur son site internet.
Guide de l’enseignement artistique, interview croisée…
Comment est née l’idée de réaliser un numéro spécial en commun entre la Lettre du musicien et FUSE sur l’enseignement artistique ?
Marie Hédin-Christophe : Chacun de nos hors-séries est conçu comme un guide pratique qui couvre une communauté particulière de La Lettre. Car pour satisfaire tantôt les organistes, tantôt les enseignants, tantôt les jeunes musiciens en insertion, il faut de l’ambition ! C’est pourquoi, les thèmes « instruments » continuent à avoir la part belle, et que les hors-séries se concentrent sur les enjeux d’une population en particulier. Ici, les parents d’élèves : les usagers de nos écoles de musique et conservatoires. Au-delà de l’enjeu concret et pratique, le sujet correspond à notre ligne éditoriale : faire la lumière sur le fonctionnement du secteur pour permettre à toujours plus de personnes de se sentir à leur place dans le monde de la musique.
Muriel Mahé : Dans le cadre de nos fonctions de responsables associatifs sur le terrain, confrontés aux questionnements des familles, nous avons identifié un réel besoin de disposer d’éclairages sur les aspects les plus courants et de pistes pour résoudre d’éventuelles difficultés. Dans de nombreuses situations, des solutions peuvent en effet être trouvées dans l’intérêt de tous, et en particulier des élèves. Non familiers de ce milieu, de ce type d’établissement, de ces enseignements, nous sommes souvent désemparés. Pour beaucoup, l’information est complexe à trouver.
En tant que bénévoles, nous n’étions pas en mesure de consacrer le temps nécessaire à la rédaction d’un tel ouvrage. Et même si cela avait été le cas, il nous paraissait plus intéressant de nous associer à une équipe de professionnels reconnus, observateurs experts du milieu musical en général et de l’enseignement artistique en particulier. C’est pourquoi nous nous sommes associés à la Lettre du Musicien, qui est une référence, pour élaborer ce premier guide de l’enseignement artistique.
Qui est la cible de cet ouvrage ?
M. M : Il s’adresse à toutes les personnes (parents, jeunes, adultes), déjà inscrites dans un établissement artistique ou souhaitant le faire. Il vise à donner au plus grand nombre, des clés pour comprendre comment cela fonctionne, aider à s’orienter, répondre à certaines préoccupations. Il ne prétend pas apporter une réponse précise à chaque question, mais aider à acquérir les bons réflexes pour accéder à l’information pertinente pour chacun, et à lever certaines inquiétudes, légitimes.
Comment avez-vous découpé le contenu de ce guide ?
M. HC. : FUSE a beaucoup contribué au contenu de ces chapitres. Ils ont co-construit tout le contenu, et ce dès le sommaire qui liste des questions précises : comment choisir son instrument ? Pourquoi rejoindre un établissement d’enseignement (car après tout, les cours en ligne en autodidacte se multiplient) ? Que faire en cas de baisse de motivation ? Comment continuer la pratique après le conservatoire ou l’école de musique ? Comment gérer l’interruption des vacances ? Nous sommes partis des questions des usagers les plus évidentes pour essayer de les éclairer. Leur donner quelques réponses, poser les questions avec eux, c’est déjà leur montrer qu’on se soucie des nouveaux arrivants qui n’ont pas tous les codes. Et donc, c’est leur faire une place.
M. M : Nous avons conçu le sommaire du guide en partant des principales questions que se posent les familles, dans un ordre quasiment chronologique en fonction de l’avancement du parcours de l’élève : le choix de l’activité, l’identification du type d’enseignement et de structure, les modalités d’inscription, les coûts d’un parcours d’enseignement, le cursus, les situations spécifiques telles que le handicap ou les problèmes de santé, les solutions permettant de concilier scolarité et enseignement artistique, les interlocuteurs et les recours en cas de difficulté, l’accompagnement d’un jeune souhaitant se professionnaliser, etc.
Et comment vous êtes-vous partagés les contenus ?
M. M. : Nous n’avons pas procédé de la sorte, en nous répartissant les différents thèmes. À partir du sommaire, une première rédaction a été proposée par la Lettre du Musicien. Nous avons alors complété, intégré des éléments liés à notre expérience de terrain, identifié les questions que se posaient concrètement les usagers. Nous avons ainsi cherché à fournir les principaux éléments de réponse, les interlocuteurs et sites ressources vers lesquels chacun peut se tourner pour obtenir des précisions. À chaque thématique, nous nous sommes placés du point de vue du parent, de l’élève, de l’adulte amateur pour formuler les réponses avec ce regard spécifique.
- Prix : 9 €
- Où se le procurer : https://boutique.lalettredumusicien.fr/common/product-article/1043
- Remarques, suggestions et témoignages : guide@fuse.asso.fr
En savoir plus sur La Lettre du Musicien
Quelle est l’histoire de La Lettre du Musicien ?
Marie Hédin-Christophe : La Lettre du Musicien avait pour objectif, lors de l’envoi du « numéro 1 » en 1984, d’informer les musiciens professionnels sur leur propre secteur. Il y avait alors une réforme en cours au Ministère et Michèle Worms souhaitait lancer le débat autour de ce projet. Depuis, La Lettre du Musicien continue à faire office de porte-voix pour donner à comprendre le secteur et l’accompagner dans ses évolutions. Mais les informations circulant beaucoup sur internet, il fallait trouver un vrai positionnement journalistique : investigation, enquête, sujet à débat… A traiter par le média, pour rester pertinent.
Quelles nouvelles orientations avez-vous menées depuis votre arrivée il y a quatre ans ?
M. HC. : Nous avons par exemple souhaité développer les reportages à l’international. L’ouverture sur le monde, comprendre ce qui se passe pour les musiciens dans d’autres pays, paraissait essentielle. C’est ainsi que nous avons commandé de très beaux papiers sur les musiciens à Kaboul, sur l’Irak… Comprendre comment vivent les musiciens dans ces régions du monde permet une forme de mise en perspective, et, nous l’espérons, de solidarité. En plus des nouveaux sujets plus journalistiques et engagés déjà évoqués, nous avons bien sûr lancé une ligne éditoriale en ligne. Précédemment, les articles étaient uniquement imprimés dans la revue, et repris tels quels sur le site. À partir de 2019, nous avons couvert « l’actualité chaude » quasi quotidiennement pour fidéliser une communauté en ligne et rajeunir notre lectorat. Nous avons tenu à maintenir une revue papier, mais repensée : il fallait dès lors que l’objet, le support imprimé ait du sens. La maquette a été réinventée pour mieux correspondre à des habitudes de lectures sur le temps long, puisque le magazine est devenu un mensuel, avec une esthétique soignée : reportage photo, dessins, infographies…
À quel public s’adresse la Lettre du Musicien ?
M. HC. : Historiquement, nous nous adressons à toute personne qui s’intéresse à notre secteur dans son fonctionnement et ses enjeux, politiques et citoyens. Ainsi, la question de la diversité, de l’inclusion, de l’égalité, du travail, sont des thématiques que nous abordons régulièrement pour nous faire écho à l’actualité à laquelle notre milieu participe. Il fallait recréer du lien avec la société d’aujourd’hui, car les musiciens ne sont pas hors sol. C’est un défi réussi aujourd’hui : enseignants de musique, musiciens professionnels, éditeurs, luthiers, et amateurs, mécènes et politiques de la culture, parents d’élèves de conservatoires… Nos lecteurs sont divers. Bien sûr, nous continuons à répondre à des questions juridiques et techniques pour être au service des professionnels, c’est un équilibre à rechercher constamment.
Et combien de musiciens vous suivent à chaque numéro ?
M. HC. : 20 000 lecteurs actifs derrière les contenus en abonnement, sur la base d’une circulation papier qui oscille entre 5 000 et 6 000 exemplaires, et 60 000 visiteurs uniques sur le site par mois.
Où se procurer le magazine ?
M. HC. : Sur abonnement, et en vente par correspondance sur la boutique de la LDM, ainsi que dans quelques librairies musicales (Monnier, Arpèges, etc.)
Que trouve-t-on sur votre site Internet ?
M. HC. : Les articles de la rédaction, ainsi que de nouveaux formats (podcasts, vidéos, infographies), mais également les offres d’emploi, un agenda en ligne et des petites annonces.
De combien de personnes est constituée l’équipe éditoriale et quelles sont les spécificités de vos collaborateurs ?
M. HC. : Nous travaillons avec de nombreux pigistes extérieurs car nous souhaitons qu’une diversité de styles, de plumes et de spécialités s’expriment. Il y a d’abord les correspondants à l’international, car bien sûr nous n’envoyons pas nos journalistes autour du monde, pour des raisons autant économiques qu’écologiques. Les journalistes sur place, correspondant pour de grands médias français, peuvent ainsi s’acculturer aux questions musicales, ce qui leur fait le plus grand bien. Par ailleurs, parmi les plus réguliers sur les articles nationaux, nous avons Juliette de Banes Gardone, par ailleurs journaliste au Temps à Genève, Aurélia Valarié qui travaille également à RTL et nous aide par exemple sur la conception de nos contenus audios, ou encore des pigistes locaux par région comme Aurélie Dunouau à Tours ou Marie Tranchant à Lille, de manière à rester toujours proche du maximum de territoires. Et bien sûr, nous avons aussi deux permanents à la rédaction, pour garder une pâte homogène et un regard constant de numéro en numéro, Flore Caron et Louise Morfouace actuellement.
Comment se découpe le contenu de chaque numéro ?
M. HC. : Le grand reportage à l’international ouvre chaque numéro. Puis, la rubrique actualités : infographies, actus « mois passé/mois à venir », grand entretien avec une personnalité de premier plan relative à l’actualité en cours, par exemple en lien avec des élections. Une rubrique regard permet ensuite des décryptages singuliers : de temps en temps un regard philo, un regard du coach sur le rapport au travail, un portrait double vie d’un musicien ou une musicienne 100 % professionnel.le mais menant de front une autre activité également de manière professionnelle. Ensuite commencent les rubriques thématiques : orchestres/ensembles, conservatoires/pédagogie, instruments/éditions, et juridique. Un portfolio photo vient systématiquement illustrer chaque numéro, ou parfois une bande dessinée. En tous cas, un contenu visuel.
Comment se font les choix des thématiques à chaque numéro ?
M. HC. : Ce sont des décisions collégiales. Tous les membres de l’équipe, y compris du côté administratif, participent à phosphorer sur les idées d’une année sur l’autre. Il y a toujours un thème géographique : les États-Unis cette année, et un thème instrument : les percussions en mai dernier. Ensuite, il peut y avoir des notions très larges, comme la solitude, l’égalité, l’âge, mais aussi des thèmes plus concrets comme l’emploi, le handicap… Nous venons de publier un beau numéro sur le thème du handicap en juin. Cet été, ce sera le tourisme. En septembre, nous aurons un numéro sur l’égalité, en octobre les États-Unis, en novembre la solitude (le mois de la déprime !), et la cuisine en décembre. Pour 2023, c’est encore en cours de conception.
Avez-vous l’intention de vous ouvrir à d’autres styles que la musique classique, notamment le jazz ?
M. HC. : Nous avons un regard jazz dans chaque numéro, conçu en partenariat avec Qwest, la chaîne web dédiée à ces musiques. Et par ailleurs, nous ne les oublions pas dans nos articles : la prochaine infographie, cet été, reproduit l’enquête menée par l’AJC sur la décarbonisation des salles et festivals de jazz.
Est-ce une volonté de votre part de ne pas présenter l’actualité des sorties discographiques ?
M. HC. : Tout à fait. Nous ne nous adressons pas aux mélomanes. Nous avions un listing des parutions qui arrivaient à la rédaction mais nous l’avons supprimé car il n’y avait aucune cohérence avec notre ligne éditoriale : nous nous refusons à toute critique artistique, d’enregistrement comme de concerts. Les musiciens qui nous lisent n’ont pas envie de se faire évaluer, c’est le public qui, à la limite, peut souhaiter qu’on le conseille. Et ce n’est pas notre lectorat. Nous traitons des pratiques du secteur, de l’innovation, du progrès, mais ne jugeons jamais l’artistique.
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À qui s’adresse la fédération FUSE ?
Muriel Mahé : À toute personne (élève, parent d’élève, étudiant) inscrite dans tout parcours d’enseignement artistique quel que soit son projet. Mais également à toutes les associations d’usagers de l’enseignement artistique ou de pratique en amateur, dès lors qu’elles font intervenir des artistes professionnels.
Quelles sont vos actions aujourd’hui en 2022 à destination de l’enseignement artistique musical ?
M. M. : FUSE est partie prenante des discussions sur l’enseignement artistique sur le plan national. C’est grâce à ce titre qu’elle a défendu et obtenu la création des cursus préparant à l’enseignement supérieur, qui permet aux jeunes en voie de professionnalisation de bénéficier des bourses du CROUS. De la même manière, elle a défendu le maintien et accompagné la rénovation de la filière technologique TMD devenue S2TMD. Et elle s’engage régulièrement aux côtés des usagers pour faire reconnaître la gratuité des cursus en classe à horaire aménagé.
Faciliter l’accès de chacun à l’information nécessaire est une de nos préoccupations principales, que ce soit pour mieux se repérer dans l’offre d’enseignement artistique, comprendre le fonctionnement des établissements, choisir son orientation après un cursus artistique exigeant, etc. Pour ce faire, nous organisons un cycle de webinaires, récurrents, et accessibles en replay, sur l’orientation (janvier à mars). Nous avons également lancé un cycle de conférences-ateliers destinés à aider les familles à accompagner leurs enfants dans le cadre de l’enseignement artistique : en 2022, ces conférences seront centrées sur la santé. Enfin, nous organisons toute l’année des sessions de formation destinée aux responsables associatifs, ouvertes également aux parents, pour mieux comprendre le fonctionnement de cet enseignement.