par Patrick McManus – Woodbrass Team
Avec la démocratisation de l’outil musical informatique, tout le monde peut mixer un morceau à l’heure actuelle, c’est à dire passer de plusieurs pistes enregistrées à un ensemble cohérent prêt à être écouté. Dit comme ça on croirait presque que c’est facile, mais les 10 ennemis d’un mix réussi vous attendent au tournant…
1 – Trop de cuisiniers dans la cuisine
Ce premier piège se pose surtout lorsque vous mixez pour un autre artiste ou au sein d’un groupe : il ne faut jamais passer de longues séances avec plusieurs personnes au commande, c’est le meilleur moyen pour perdre du temps à des confrontations d’égos. Si vous mixez pour un artiste, demandez-lui des albums de référence dont vous pouvez vous inspirer et envoyez-lui des mixes par email pour récolter son avis. Dans le cas d’un groupe dont vous faîtes partie, récoltez l’avis de tous les membres mais ne tombez pas dans le piège de tenter de satisfaire tout le monde : un mix est avant tout un parti pris.
2 – La reverb à la louche
Voilà un ennemi qui donne instantanément à votre mix un arrière goût de produit d’amateur. L’excès de reverb, surtout lorsqu’elle est utilisée pour cacher une performance vocale un peu fausse ou une partie de batterie pas très en place, saute encore plus vite aux oreilles que ce que vous cherchez à cacher. Une reverb caverneuse ne se justifie que comme un effet spécial assumé, mais gardez des éléments plutôt secs pour maintenir l’équilibre.
La seule chose pire qu’une surdose de reverb, c’est un mélange de reverbs qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Si vous partez sur une ambiance hall pour la caisse claire, ne mettez pas une plate trop marquée sur la voix : cette incohérence va faire remarquer le procédé d’humidification du son à l’auditeur, et du coup il va se concentrer sur le son plus que sur la musique. Et là c’est perdu.
4 – Deux guitares ne valent pas mieux qu’une
Ce piège est typique du mix réalisé par un guitariste, à qui on a dit depuis le début que sur un album les guitares sont toujours doublées. Forcément, si vous faîtes des grosses rythmiques métal le doublage permet d’épaissir, mais plus vous doublez et plus vous perdez le son et l’intention spécifique de chaque guitare individuelle. Pour un solo ou une partie à l’interprétation fine, c’est bien dommage…
5 – Paie ta phase
Un ennemi qui vient justement avec le doublage de la guitare : la phase ! Ce phénomène apparaît lorsque deux formes d’onde sont similaires mais décalées, et du coup s’annulent. Dans la vraie vie, ça correspond au fait que lorsque vous enregistrez une guitare en stéréo, le son peut paraître plus petit avec les deux pistes. La solution ? Un plug in d’inversion de phase, ou tout simplement de muter l’une des deux pistes !
Vous trouvez que votre mix ne sent pas assez l’amateurisme ? Voilà la solution : l’abus de compresseur ! Un mix bardé de compressions individuelles qui pompent donne tout de suite l’impression d’étouffer, et la fatigue auditive arrive beaucoup plus vite. L’ennui aussi d’ailleurs lorsque tout est au même niveau tellement la dynamique est écrasée. Il ne s’agit pas de ne pas se servir de ce superbe outil, mais plutôt de savoir quand une piste n’en a pas besoin ou quand vous avez réglé le ratio bien trop haut !
7 – La voix dans ta face
Un piège hyper répandu, à plus forte raison en France où les ingés son tiennent absolument à ce que l’auditeur comprenne bien toutes les paroles : mettre la voix très fort. Si vous avez besoin de booster le volume de la voix pour qu’elle ressorte, c’est que votre mix est à revoir. Une bonne égalisation qui tranche dans le vif en boostant bien le médium permet à la voix de trouver sa place dans les fréquences que n’occupent pas les autres instruments sans déclencher la guerre du volume au nom de intelligibilité.
8 – Où est la voix ?
Le problème inverse est tout aussi gênant : si l’auditeur est obligé de chercher la voix pour suivre, il ne se concentre plus sur l’image générale de la musique. Mais dans ce cas, comment faire ressortir la voix sans la surcompresser (voir ennemi 6) ou la mettre très fort (voir ennemi 7) ? Il faut prendre la peine de « rider » le volume, c’est-à-dire de suivre la performance vocale de très près en suivant les variations de volume avec votre curseur. C’est la manière la plus naturelle et la plus efficace de guider l’écoute sans choquer l’oreille.
9 – Pistes illimitées ? Challenge accepted !
On ne le dira jamais assez : ça n’est pas parce que vous pouvez utiliser un nombre illimité de pistes qu’il faut le faire ! Si vous galérez pour trouver votre chemin dans un mix très dense, essayez d’abord d’enlever certains éléments. Il y a fort à parier que la tâche devienne alors beaucoup plus simple et surtout que votre morceau devienne bien plus agréable à écouter.
10 – Tu montes ?
Enfin, le pire ennemi du mixeur est la tentative d’écouter avec les yeux. La technologie moderne permet d’atteindre un tel niveau de zoom sur les formes d’onde que l’on voit immédiatement sur un coup de grosse caisse tombe quelques millisecondes avant ou après le temps, et il faut absolument résister à la tentation du recalage systématique. Le montage est avant tout présent pour enlever une erreur, mais trop de montage enlève très vite la sensation de vie d’un mix. D’ailleurs écoutez donc l’entrée de la section rythmique au début de ce morceau de Muddy Waters, si c’était assez bien pour lui ça devrait vous réconforter vis-à-vis de vos propres productions…