Phil Lageat (auteur de AC/DC Tours De France 1976-2014 et rédacteur en chef de Rock Hard) – Interview

par Woodbrass Team

A l’heure où AC/DC prépare son retour en France pour deux dates au Stade de France (sans Malcolm Young à la guitare rythmique, remplacé par son neveu Stevie), voici venir un ouvrage très impressionnant autant par son poids (4,5 kilos !) que par son contenu : AC/DC Tours De France 1976-2014 revient à travers 712 pages sur 38 années de relation entre la France et le plus grand groupe de rock du monde. Avec deux albums enregistrés en territoire gaulois, le film Let There Be Rock et 62 concerts, il y a largement de quoi faire, et tout est disséqué dans les moindres détails par les deux auteurs, Baptiste Brelet et Philippe Lageat. Ce dernier est LA référence française sur AC/DC, un passionné à la connaissance encyclopédique qui est aussi une figure incontournable de la presse métal en France, puisqu’il a été rédacteur en chef de Hard Rock et dirige aujourd’hui Rock Hard. Il fête cette année ses 20 ans avec un stylo clouté à la main. Nous l’avons rencontré pour en savoir plus sur le projet pharaonique qu’a représenté Tours De France 1976-2014.

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De gauche à droite : Angus Young (guitare lead), Phil Lageat (auteur), Vanessa Girth (direction artistique), Cliff Williams (basse)

Comment s’est faite ton initiation à AC/DC ?
J’ai découvert le groupe en 1978, j’avais dix ans à l’époque ! C’est venu par hasard, grâce au grand frère d’un copain qui écoutait ça.

1978, c’est l’époque de l’album Powerage donc ?
Oui exactement ! Ça a été le coup de foudre immédiat, même si j’écoutais déjà d’autres choses de manière plus sporadique, surtout des 45 tours comme ceux de Queen et Status Quo. J’ai ensuite acheté les albums d’AC/DC au fur et à mesure de leurs sorties, puis je les ai vus en concert pour la première fois le 23 janvier 1981 au Parc de Penfeld à Brest, sur la tournée Back In Black. Mais pour moi, la première fois que je les ai vus, c’était quelques jours avant au cinéma, grâce au film Let There Be Rock que j’ai regardé deux fois de suite ! Jusque là, je n’avais que les photos et pochettes d’albums pour les imaginer, et tout à coup, Angus Young (guitare solo) et Bon Scott (chant) prenaient vie… Best et Rock & Folk avaient commencé à en parler mais le film m’a permis de mettre des images sur les mots que j’avais lus auparavant.

Comment es-tu passé de fan à ami du groupe ?
Je devais les voir en 1982 à Nantes mais le concert a été annulé, puis je les vois en 1984 à Bercy, et sur chaque tournée française : en 1988 au Zénith, en 1991 à Bercy, en 1991 à Vincennes, et ainsi de suite jusqu’à la tournée Black Ice. En 1988, je suis allé à leur hôtel à une époque où les hôtels n’étaient pas encore pris d’assaut pas les fans. Nous étions cinq ou six, et nous avons pu les voir trois jours de suite, discuter longuement, faire des photos… Je me suis rendu compte que les musiciens correspondaient exactement à l’image que je me faisais d’eux, c’est-à-dire qu’ils étaient très accessibles, modestes, simples, très humains. Ma passion s’en trouve donc décuplée, et avec André Cadiou, un autre fan, on commence à développer l’idée d’un fanzine sur AC/DC. Ça deviendra Let There Be Light en 1991, « que la lumière soit », puisque notre but est d’apporter la lumière sur certains points peu connus du groupe. On commence alors à multiplier les concerts, à aller les voir à l’étranger. Tout va assez vite : on a de très bonnes relations avec le management anglais du groupe, on rencontre Stevie Young (guitariste rythmique) et George Young (producteur), on commence à avoir des pass backstage…

Tu es donc devenu journaliste ?
En 1995, j’assiste au tournage du clip de Hard As A Rock au premier rang, en prenant plein de photos pendant les dix heures. En rentrant, j’appelle Hard Rock Magazine et ils sont intéressés puisqu’il s’agit du premier article de la presse française autour de l’album Ballbreaker. Ils me demandent ensuite si j’aime autre chose qu’AC/DC, et vu que j’aime le hard rock et le rock en général, je commence donc à écrire pour eux. Par un concours de circonstances, je me retrouve rédacteur en chef au bout de huit mois. J’y reste de 1995 à 2001, et en 2001, je monte Rock Hard, qui sort son numéro 150 ce mois-ci.

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Un extrait du pavé !

Comment en es-tu arrivé au livre Tours De France 1976-2014 ?
En 2007, je rencontre Baptiste Brelet qui s’occupe du webzine Can’t Stop AC/DC et me contacte pour avoir mon avis. On sympathise, et il me dit que dans le prochain numéro il veut faire un article sur tous les concerts français d’AC/DC. Il se trouve que je suis aussi en train de travailler là-dessus depuis quelques mois en préparation d’une biographie complète. Lorsque Arnaud Durieux sort sa biographie très complète et très réussie (AC/DC Maximum Rock N’ Roll), je me dis que ça ne sert à rien de passer derrière ça, et on choisit donc avec Baptiste de nous concentrer sur la France, où il y a eu des enregistrements d’albums, des émissions télé, des dédicaces… C’est une véritable histoire romanesque. 7 ans, 220 interviews, 1300 photos et 1200 documents plus tard, le bouquin sort enfin !

Penses-tu que le concept de ton livre pourrait s’appliquer à d’autres pays que la France ?
La France est le troisième marché pour AC/DC, derrière les Etats Unis et l’Allemagne. Il pourrait donc y avoir des livres sur ces pays-là, ainsi que sur l’Australie et l’Angleterre. Mais je sais qu’il y a un bouquin en préparation sur AC/DC et la Belgique : c’est un petit pays, donc il n’y a pas eu énormément de concerts, mais il y a une petite histoire à raconter aussi.

En quoi la relation entre AC/DC et la France est-elle compliquée ?
La première date d’AC/DC en France aurait dû avoir lieu en 1976 au festival d’Orange, mais pour des raisons de magouilles politiques, elle est annulée. Le groupe tourne ensuite en première partie de Rainbow, et le premier concert a donc lieu à Besançon devant 713 spectateurs. Ça n’est donc pas un grand enthousiasme au début, la France n’est pas un pays rock’n’roll en 1976… Elle ne l’est toujours pas en 2015, donc je te laisse imaginer à l’époque ! En 1979, c’est la tournée Highway To Hell, et il y a une quinzaine de dates en France : le groupe commence à se faire un vrai public, et il explose encore plus avec Back In Black. Dès 1982, on sent déjà une certaine lassitude, et en 1984, des galères d’organisation font qu’ils jouent devant seulement 2000 personnes à Lyon. Le vrai retour en grâce, c’est en 2001 avec le Stade De France, avec un public plus familial.

Comment expliques-tu la longévité du groupe ?
La principale raison est l’honnêteté : les membres du groupe savent qu’ils font une musique simple, ce qui ne veut pas dire simpliste, et ils ne sont jamais rentrés dans le délire de changer de look à chaque album. On ne les a jamais vus dans les remises de prix, ils n’ont jamais été dans les tabloïds et la presse people. Un public basique en recherche de sensations vraies peut se dire « ce groupe là me correspond parce que je pourrais être ce guitariste rythmique ». Ce sont d’excellents musiciens, c’est un groupe bien huilé, très carré. Rien n’est laissé au hasard. Malcolm joue sur des cordes qui sont grosses comme des rails de chemin de fer. Je me souviens de la fin d’un concert où j’ai vu par terre ses médiators Fender Extra Heavy dont il ne restait plus grand chose. A l’époque de Back In Black, il tournait avec une Gretsch White Falcon aussi grande que lui. Avoir un si petit corps et un son aussi énorme, c’est ultra puissant, ça ne tient pas à des effets de son : ils n’ont pas de pédaliers ! Stevie est son protégé et il a fait un excellent boulot sur Rock Or Bust.

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De gauche à droite : Stevie Young (guitare rythmique), Cliff Williams (basse), Angus Young (guitare lead), Phil Lageat (auteur), Baptiste Brelet (auteur), Brian Johnson (chant)

Quels échos as-tu eu sur le livre de la part du groupe ?
Je t’avoue qu’on était un peu anxieux : AC/DC n’a jamais aidé à promouvoir un bouquin quel qu’il soit. Même pour les demandes très respectueuses, ils n’ont jamais donné suite. Cette fois ci, on a eu la chance de pouvoir piocher dans nos interviews déjà réalisées précédemment, ainsi que de pouvoir interviewer Brian Johnson (chant) et Malcolm Young (guitare rythmique) spécialement pour le livre. Ils étaient donc au courant du projet, et certains ont répondu plus que favorablement. Pourtant, nous racontons des épisodes pas toujours glorieux. Quand ils ont vu le tome de 4,5 kilos, ils ont eu beaucoup de mal à croire que ça ne concernait que la France ! Ils ont accepté de prendre une photo avec, en ont parlé dans les interviews françaises qu’ils ont faites et en ont dit systématiquement du bien. C’est une grande première ! Angus a félicité Vanessa Girth pour la maquette, et il a été très touché à l’idée que le bouquin soit fait par des fans et autoédité.

Combien d’heures avez-vous passé à le préparer ?
Je n’ai pas pris de notes là-dessus et je le regrette ! Baptiste, Vanessa et moi avons tous les trois des boulots : Vanessa et moi sommes à Rock Hard avec un mensuel à sortir, et Baptiste écrit chez Terra Eco à Nantes. Il a donc fallu que l’on prenne sur notre temps libre, les weekends, les soirées. Il a fallu passer des heures au téléphone avec Baptiste, retranscrire les interviews et rédiger tout ça au présent, comme si tous les témoins étaient autour d’une table.

Avez-vous déjà fait plusieurs tirages ?
Le bouquin est sorti en librairie le 16 octobre, et il était déjà épuisé au bout d’un mois. Nous avons donc fait un deuxième tirage et nous lançons le troisième le 20 Janvier. En fin de troisième tirage, nous en serons à environ 12000 exemplaires vendus, ce qui est un bon résultat par rapport au côté très spécifique du livre et à son prix. Nous avons utilisé du beau papier et il est imprimé en France.

Comment expliques-tu ce succès ?
Il y a plusieurs choses : pour commencer, le livre est en français. En général, les fans d’AC/DC ont droit à des bouquins qui sortent d’abord en anglais et ne sont pas toujours traduits. D’autre part, nous avons réalisé un appel aux fans pour qu’ils partagent avec nous leurs documents et témoignages, et il y a donc eu cet échange. Francis Zégut (animateur radio et grand fan du groupe) a qualifié Tours De France de livre participatif ! Rien de plus vrai ! Enfin, chaque personne qui est allée voir AC/DC a un vécu avec ces concerts. Il y a ceux qui les ont vus dans les années 80 et n’y sont pas retournés depuis, ceux qui ne sont allés qu’à la tournée Black Ice… Pour tous ces spectateurs, ça évoque une période de leur vie. Nous avons essayé de replonger les gens dans ce qu’ils ont vécu à travers le livre, ça remue la boîte à souvenirs.

couvTours de France 1976-2014
Editions Point Barre
69,90€
Disponible en librairie, mais aussi sur www.acdclelivre.fr (en édition « spéciale » dédicacée avec affichette de 1978)

 

 

 

 

 

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