Par Woodbrass Team
Après David Bowie en janvier, c’est désormais au tour de Prince de tirer sa révérence. 2016 est décidément une année sans pitié pour les génies de la pop, ce style de musique fourre-tout tant décrié qui, lorsqu’il est fait avec le talent d’un extra-terrestre comme Prince, conjugue avec classe intelligence musicale et succès populaire.
Dans le cas de la musique de Prince, le terme de pop est d’autant plus nécessaire qu’il permet de résoudre l’éternel problème de la classification. Sa musique était tellement riche et diverse qu’un seul style n’aurait pas suffi, et l’idée de pop est assez large pour accueillir des idiomes comme la soul, la funk, le jazz, le RnB, le rock classique, la dance, le rock progressif et le blues, auxquels il empruntait à tout va et qu’il maîtrisait sur le bout des doigts. En cela, il était le digne héritier de son idole Sly Stone, un noir qui a fait redécouvrir de la musique bicolore à un public multiple. Prince a vendu plus de 100 millions d’albums et représente à lui seul la grandeur et la démesure du music business dans les années 80, époque à laquelle il se battait au coude à coude avec Michael Jackson. Ce dernier deviendra le King Of Pop, Prince restera Prince puisque sa musique était moins facile à suivre et sa discographie plus chaotique. Il faut dire aussi que Prince a toujours refusé d’aller où on l’attendait, malmenant son public d’un album à l’autre en suivant ses envies et délires du moment. C’était un multi-instrumentiste au talent improbable, un grand chanteur, un batteur et claviériste tout à fait capable et un guitariste ahurissant. Son choix de guitare reflétait d’ailleurs la flamboyance de ses tenues vestimentaires (des tenues souvent violettes, LA couleur de Prince), qu’il s’agisse de sa Telecaster à plaque léopard (une Hohner !) ou de sa fameuse Cloud Guitar à la forme improbable.
Le fait du Prince
Prince est mort dans son studio de Paisley Park, le symbole parfait d’une vie passée à travailler sans relâche. Depuis 1978, Prince a sorti pas loin d’un album par an, pour arriver à une discographie d’une quarantaine d’albums studios pas si éloignée d’un Frank Zappa. Comme ce dernier, il avait installé son studio dans sa maison, et attendait le même niveau d’engagement vis à vis de ses musiciens. Le propre des génies sans doute… Les membres de ses groupes étaient au service du patron, qui était capable de les appeler au beau milieu de la nuit si l’inspiration l’exigeait. Mais comme tout bon patron, Prince avait la même exigence avec lui-même qu’avec ses employés, travaillait sans relâche et donnant pleinement de sa personne dès qu’il s’agissait de se produire en concert. Ses show étaient des spectacles mémorables et hors-normes, mais ses aftershows et concerts surprise étaient encore plus inoubliables, comme cette nuit passée au New Morning en 2010, de 2 heures à 6 heures du matin, avec pas moins de 6 rappels et 33 titres joués ! Faisant la part belle aux reprises (il a ouvert sur Stratus, le classique fusion du batteur Billy Cobham), aux fonds de catalogue et aux jams, Prince savait tenir un public comme personne et surtout il savait satisfaire ses fans les plus fidèles. La batteuse Sheila E., le bassiste Larry Graham (ancien du groupe Sly & The Family Stone), le saxophoniste Maceo Parker (ancien de James Brown) font partie des piliers parmi les musiciens qui ont accompagné Prince, et il n’hésitait pas à former de nouveaux groupes pour suivre ses envies. De The Revolution dans les années 80 jusqu’à 3rdeyegirl (son trio féminin) en 2014, la seule constante était un niveau musical ahurissant.
La Fender Stratocaster réalisée par le Custom Shop pour Prince, entièrement couverte de feuille d’or par le master builder Yuriy Shishkov
Chronique du règne princier
Le génie de Minneapolis, qui est resté fidèle à sa ville natale toute sa vie, a connu le succès à 21 ans dès son deuxième album solo, Prince, sur lequel on trouve les singles I Wanna Be Your Lover et Why You Wanna Treat Me So Bad. L’album suivant, Dirty Mind (1980), marque la naissance du style bigarré qu’il entretiendra pour le reste de sa carrière, et c’est aussi le premier qu’il réalise lui-même dans son home studio, une méthode travail qui lui réussira aussi à de nombreuses reprises. C’est en 1982 que Prince explose véritablement auprès du grand public avec l’incroyable album 1999, une pépite de pop synthétique qui se réécoute avec le même plaisir 34 ans plus tard. L’album suivant est celui de l’explosion, et il accompagne le film du même nom, Purple Rain. Cette balade déchirante est toujours le titre le plus connu de Prince et celui auquel le grand public l’associe immédiatement. Il faut dire que c’est une leçon de pop parfaite de presque 9 minutes avec solo de guitare imbattable. En 1987, il s’émancipe du groupe The Revolution et sort en solo le double album Sign O’ The Times, un de ses plus réussis avec notamment The Ballad Of Dorothy Parker, une des chansons favorites des vrais fans. En 1990, il compose l’énorme hit Nothing Compares 2 U popularisé par la chanteuse Sinead O Connor, puis en 91 il forme le groupe The New Power Generation. En 1992, il refuse d’être appelé Prince et remplace son nom par un symbole surnommé « Love Symbol ». Les médias sensationnalistes s’emparent de ce caprice et en font le symbole du caractère de diva attribué au maître qui devient de plus en plus difficile à suivre avec pas moins de 6 albums sortis en 1994, 95 et 96, culminant avec le triple album (sic !) Emancipation, qui proclame son indépendance artistique après 18 ans de relations houleuses avec la maison de disques Warner. Il retrouve le nom Prince (qui était vraiment son prénom) pour un excellent album sorti en 2001, The Rainbow Children, qui s’ouvre sur la chanson-titre, une véritable odyssée psychédélique d’une dizaine de minutes. En 2004, il retrouve les faveurs du grand public avec Musicology, un pur album de funk vendu à plus de 2 millions d’exemplaires. Jusqu’à la fin il restera prolifique et imprévisible, puisque son dernier projet était un album en deux parties sorti d’abord en exclusivité sur la plateforme de streaming Tidal, HitnRun Phase One puis Phase Two (2015). Pour vous replonger dans l’œuvre du génie de Minneapolis, il vous faudra sortir votre portefeuille puisque Prince est l’artiste le plus absent possible de Youtube et des plateformes de streaming. Restent les solutions à l’ancienne, comme acheter des Cds, des vinyles ou des titres à l’unité sur iTunes, mais avec Prince vous ne risquez pas de regretter votre achat !