PV Nova – Interview

Par Woodbrass Team

Vous le connaissez forcément, surtout si vous êtes musicien : la chaîne Youtube de PV Nova a dépassé les 30 millions de vues, et s’impose comme la première chaîne de véritable création musicale en France. Ce succès est amplement mérité, tant les vidéos de PV sont à la fois très drôle et très bien faîtes, avec un niveau de qualité sonore et instrumental peu communs sur la toile. Il s’attaque à tous les styles, et le fait bien. A la recherche d’une bonne Les Paul, PV s’est adressé à Woodbrass Deluxe et nous en avons donc profité pour l’interviewer !

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Comment en es-tu venu aux vidéos Youtube ?
J’ai terminé mes études en 2008 mais dès 2006 j’ai commencé à poster des vidéos. J’avais un groupe de funk rock et on faisait des tremplins, on tournait dans les petites salles parisiennes, et ça ne décollait pas. A cette époque, j’ai découvert le phénomène des gens qui se filmaient à la webcam en faisant des reprises. Ça se passait surtout sur Dailymotion en France, puisque le site Youtube était nul. Il y avait une vraie communauté de musiciens actifs, tous amateurs. Sans prétention, j’ai trouvé que la plupart de ces vidéos étaient très amateures à tous les niveaux : prise de son, accordage, interprétation… Il y avait un seul artiste qui faisait ça bien, Naosol, qui a sorti plusieurs albums depuis. Du coup ça m’a donné envie d’en faire, et j’ai commencé par deux compos qui sont d’ailleurs toujours sur Dailymotion à l’heure actuelle. J’ai eu peu de retours mais ils étaient extrêmement positifs. Ça m’a donc motivé à en faire d’autres, et je me suis rendu compte qu’avec ma maîtrise de la MAO je pouvais faire plusieurs prises simultanées. Le seul à l’avoir fait à l’écoute était Lasse Gjertsen avec Hyperactive, sinon ça n’existait pas ! J’ai donc fait une première vidéo avec deux fois moi, et ça a ouvert énormément de possibilités. Grâce au fait que j’étais parmi les premiers, je garde à jamais cette légitimité de pionnier. D’ailleurs à l’heure actuelle je le fais toujours pour la même raison : me faire plaisir. Je gagne aussi de l’argent grâce à ça mais je vis essentiellement de la scène, donc ça n’est pas mon but premier. Ça m’a surtout rapporté du public et de l’expérience. Grâce à ça j’ai vécu des trucs fous que mon modeste niveau de musicien ne m’aurait pas permis autrement. Sans Internet, Keziah Jones ne serait pas venu jouer chez moi ! Il est venu parce que c’était nouveau, parce que c’était rigolo.

J’imagine que l’aspect communautaire est essentiel pour un youtubeur consciencieux.
C’est fondamental. Une communauté ne se mesure pas uniquement au nombre d’abonnés, au nombre de « like » sur facebook ou de « followers » sur twitter. J’ai une communauté beaucoup moins importante que des comiques ou des gens qui font du vlogging, des conseils beauté… En revanche, j’ai une communauté très fidèle. Ce sont des gens qui sont là depuis longtemps, et je fais en sorte que les nouveaux restent. Il faut prendre du temps. Je fais en sorte de répondre à tous les mails que je reçois. Je ne réponds pas aux commentaires Youtube en revanche puisqu’on y trouve tout et n’importe quoi, et qu’à partir du moment où tu réponds à une personne tu mets le doigt dans l’engrenage et doit répondre à mille autres. Je préfère les gens qui font la démarche de m’envoyer un mail ou de laisser un commentaire sur mon blog. Le financement participatif c’est encore autre chose, et c’est là que tu mesures la qualité de ta communauté : est-ce qu’elle est prête à s’investir pour toi. J’ai fait une fois appel au financement participatif pour un single, c’était une levée de fonds de 3000 euros et l’objectif a été rempli en deux heures ! Ils sont là quand j’ai besoin d’eux et je chéris ça. Mon business model de youtubeur consiste à donner énormément de choses. Je donne le son de mes vidéos plutôt que de les proposer en téléchargement payant. Plutôt que de grapiller 300 euros, je préfère donner ça à la communauté et ne faire appel à eux que lorsque j’ai vraiment besoin d’eux. C’est aussi ça qui kiffant : ça ne fonctionne pas que dans un sens, c’est un vrai aller-retour. Beaucoup de gens partagent leur vie privée mais je ne le fais jamais. En revanche, je partage beaucoup les coulisses des tournages. Sur mon blog j’écris beaucoup sur mon métier, je donne des conseils.

N’as-tu pas peur que ton personnage t’échappe ou t’emprisonne ?
C’est compliqué. Parfois c’est un jeu dangereux. Pour le moment ça se passe bien, et si ça n’est plus le cas, si j’étouffe, j’ai toujours la possibilité de créer un autre personnage. Je suis déjà en train de faire des choses avec le nom de PV Nova mais sans les codes de PV Nova comme les lunettes et les fringues. J’ai joué dans des courts métrages, notamment Rock Macabre de François Descraques, une comédie musicale de science fiction. Je joue donc d’autres personnages, j’essaie d’autres approches.

Comment prépares-tu tes vidéos ?
La façon dont j’écris est très simple : je ne cherche pas l’idée avant d’écrire, j’attends que l’idée s’impose à moi comme un évidence. Du coup j’écoute beaucoup de choses, je fais un vrai travail de recherche musicale pour savoir ce qui s’écoute via les classements de téléchargements, de streaming et de clips. Je stocke beaucoup d’informations et au bout d’un moment l’analogie s’établit entre différents artistes. Ça finit alors par me crever les oreilles, et comme pour ma dernière vidéo intitulée la « Summer minimale » je finis par voir des schémas qui se répètent. Ma force, c’est l’oreille, j’arrive assez bien à reproduire ce que j’entends et j’ai travaillé comme ça dans de nombreux projets.

Même pour les styles que tu n’aimes pas forcément tu as quand même le bon goût de faire ça bien.
Oui, c’est toujours fait avec amour, pour moi c’est très important. Il est facile d’être malveillant et cynique, surtout sur Internet. Je me garde bien de faire des commentaires sur la qualité et sur les gens qui écoutent ça. Ce que je dénonce c’est la facilité, lorsque les producteurs se laissent aller et utilisent des recettes. Certains ne font pas un vrai boulot de recherche et font de la musique au mètre. Il faut beaucoup d’amours, ce qui ne m’empêche pas d’être impertinent et de mettre de taquets, mais j’aurais plutôt tendance à le faire dans les domaines que je connais. Je connais les métalleux, je me suis donc permis d’en faire des tonnes sur les stéréotypes du métal puisque je sais que ce sont des gens qui ont beaucoup d’humour et de détachement. La bienveillance et la générosité sont très importantes, surtout sur Internet où il peut y avoir du laisser-aller dans le domaine.

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Quel matériel utilises-tu pour tes vidéos ?
J’ai quelques guitares. Celle que je préfères est une Custom 77, une boîte française qui fabrique à l’étranger. J’ai deux Fender, une Tele mexicaine qui est à mon frangin et qui fait le boulot quand elle veut, et une Toronado, un modèle un peu bizarre en forme de Jaguar. Quand je fais des enregistrements, je squatte les Stratocaster de mon père, l’une qui date de 66 et l’autre de 84. J’ai une vieille folk Yamaha qu’il m’a donné, elle a vieilli beaucoup quarante ans et elle sonne vraiment bien, elle a un son bien équilibré. Je squatte parfois aussi la Martin HD-28 de mon père… En basse j’ai une Fender Jazz Bass American Standard. Pendant longtemps j’ai eu des basses nulles, et ça n’était pas ma priorité lorsque j’achetais des instruments. J’ai une batterie pourrie qui me sert uniquement à répéter puisque je n’ai pas le lieu et les micros pour faire des bonnes prises, je me sers donc généralement d’instruments virtuels. J’ai un clavier Nord Electro, le Moog Little Phatty, le MicroBrute de Arturia pour faire des grosses basses au synthé et beaucoup de claviers maîtres donc un Arturia KeyLab, et je zieute le Native Komplete Kontrol S 88 qui vient de sortir… En plugins j’ai beaucoup de Native Instruments, quelques trucs de chez IK Multimedia et des Waves pour le mixage. J’ai longtemps travaillé sur Logic mais je n’aime pas la nouvelle version et je suis donc en train de passer à Pro Tools. Mon interface est une RME Fireface dont je suis très content, et le préampli est un grand classique, le Avalon VT-747SP qui est très polyvalent. Mon micro est un Brauner Phantom Classic. Malgré tout ce matériel, lorsque je veux faire un vrai enregistrement je préfère profiter du matériel d’un vrai studio.

Quels sont tes projets musicaux actuels ?
Il y a le Comité des Reprises qui est produit par Canal Plus. On va repartir sur une deuxième saison avec des artistes un peu plus gros, moins d’épisodes mais des épisodes plus travaillés. J’ai arrêté mon projet scénique qui s’appelle les Franglaises et qui a cartonné. On a fait 500 dates en 5 ans, toute la France, la Suisse et la Belgique. J’étais fatigué, ça me prenait la moitié de mon temps donc là je viens de libérer ce temps et je suis en pleine écriture. Je veux faire plus de pédago, de la vulgarisation scientifique et plus uniquement musicale. Mais mon gros projet est de faire des clips et des singles d’humour musical qualitatif en termes de prise de son et de composition. Je veux faire de la musique que je kiffe, des vrais compos enregistrées dans des vrais studios avec des vrais arrangements, en chantant des conneries. Ma référence ultime dans le genre est un suèdois qui s’appelle Ylvis. J’adore ! C’est tellement bien fait ! En France on a Sébastien Patoche, Cauet, c’est au ras des pâquerettes…

De quoi est faîte ta culture musicale ?
J’ai deux grands frères et un père qui écoutent du blues et du rock. La collection de mon père va de AC/DC à ZZ Top. J’ai grandi en écoutant Queen, et lorsque j’ai été ado j’ai découvert Nirvana et Led Zeppelin. Ma culture est avant tout rock alternatif (Cake, Radiohead) et rock belge (Soulwax, K’s Choice, Ginzu). J’ai aussi eu une phase pendant laquelle j’écoutais du rock un peu plus énervé comme Incubus et Sum 41. A l’heure actuelle, je suis fan des Snarky Puppy. J’ai toujours aimé faire des compilations pour mes potes, j’ai commencé par la cassette, je suis passé par le CD-ROM et à l’heure actuelle j’envoie des mp3.

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