Home studio, studio pro, pic et pic et colégram

par Patrick McManus – Woodbrass Team

Le tarif de l’heure de studio professionnel est bien l’une des dernières choses qui ne s’est pas démocratisée dans le domaine de la musique. Passer quatre jours dans un gros studio est encore une démarche très coûteuse, et Woodbrass vous explique pourquoi !

api
La console API 1608 : à 55 000 euros environ, c’est l’entrée de gamme du genre.

Pourtant, le matériel musical coûte toujours moins cher : on trouve à l’heure actuelle des cartes sons parfaitement stables à moins de 150 euros et des micros qui font des prises de son décentes à moins de 100 euros. Il suffit d’un ordinateur lambda et le home studio est à portée de main. Mais justement, comme son nom l’indique, c’est un « home » studio ! C’est à dire un studio à la maison, par opposition à un studio dit « commercial », un endroit étudié pour que l’on réserve à la journée. À l’heure actuelle et selon les services proposés, un studio se loue entre 300 et 1500 euros la journée, et ce sont déjà des tarifs qui ont légèrement baissé par rapport à l’âge d’or des années 80. Cependant, pour 1500 euros, on peut quasiment s’offrir une Universal Audio Apollo et avoir une interface professionnelle à disposition avec suffisamment d’excellents plug ins pour mixer sans souci. Quels sont donc les secrets des studios qui justifient cette énorme différence de tarif ?

Tout s’apprend
Tout d’abord, l’audio est un métier. Il existe des formations de plusieurs années (au CNSM par exemple, juste en face des Woodbrass stores !) pour maîtriser cet art complexe qui consiste à obtenir le bon son pour chaque projet. La prise de son est une compétence à part entière, entre le placement des micros, le réglages des différents éléments de la chaîne et les cohérences de phrase, tout comme le mixage est une autre compétence à part entière, qui consiste pour sa part à faire que les différents sons se complètent sans empiéter les uns sur les autres. Enfin le mastering passe derrière tout ça et donne à l’album son volume sonore et son unité. Si vous vous lancez en cavalier seul, vous allez être obligé d’apprendre et de maîtriser ces différentes étapes. Il s’agit d’un processus très long et surtout au cours duquel on peut faire de nombreuses erreurs. De plus, le temps que vous consacrez à la technique est du temps pendant lequel vous ne jouez pas de votre instrument… Dans un studio pro, chaque ingénieur maison a ses spécialités et il est là pour faire en sorte que l’artiste ne doive jamais se préoccuper de ce qui se passe derrière la vitre.

racksLuxe, calme et volupté
D’autre part, et ce malgré la démocratisation du matériel musical, le studio reste en général le lieu des pires extravagances dans le domaine du très haut de gamme. Les micros sont soigneusement sélectionnés chez Neumann et Royer (entre autres), et un bon studio dispose d’un parc de plusieurs dizaines de micros haut de gamme pour choisir le plus approprié. Les préamplis et compresseurs sont aussi ce qui se fait de mieux : Universal Audio et son fameux 1176, Focusrite, voire le compresseur Fairchild 670 qui se vend autour de 35 000 euros sur le marché de l’occasion. Et le centre de tout gros studio est bien sûr la console, qui sert à la fois à la prise de son (on passe par ses EQ et ses préamplis pour corriger et unifier le son) et au mixage (on fait l’équilibre avec ses faders). Il existe bien sûr des consoles « démocratiques », et on peut tout à fait se servir d’une Mackie à 2000 euros dans son studio, mais lorsqu’on parle des légendes que sont Neve, SSL et API, le tarif décolle bien au-delà des 100 000 euros. Finalement, le prix à la journée ne paraît pas si délirant maintenant, n’est-ce pas ? Et, grosse cerise sur un beau gâteau, on trouve souvent du backline instrumental passionnant dans les studios. Pour les guitaristes par exemple, la collection du studio belge ICP est devenue légendaire : ils vous faut une bonne Strat pour cette chanson et vous n’avez pas la vôtre ? Trop facile : choisissez l’année et la couleur, il y a de fortes chances pour qu’ils vous la fournissent en quelques minutes… Le luxe quoi !

L’angoisse de la lumière rouge
Jusque là, vous me direz que ces deux éléments peuvent quand même être transférés dans l’univers home studio : on peut tout à fait devenir très compétent et acheter du très bon matériel chez soi, et même en restant plus modeste dans son approche on peut obtenir d’excellents résultats. Mais il reste un élément qui fait que le studio pro est irremplaçable : la salle. En effet, une belle prise de son, c’est avant tout le résultat de l’interaction entre l’instrument (la source), le micro (le récepteur) et l’acoustique de la pièce (l’ambiance). Sans cette ambiance, vous serez obligé de rajouter de la reverb au mix pour la simuler, et ça n’est jamais aussi naturel et cohérent. De plus, le son d’une salle de studio a été étudié par des professionnels pour éviter les pièges qui rendront vos mixes bien plus compliqués, et ce sont en général des espaces sonores très inspirants. D’ailleurs, lorsqu’un artiste veut réaliser un album, il cherche avant tout un espace sonore qui lui apportera un début d’inspiration pour aller vers la couleur générale de l’album. Regardez par exemple le site du studio La Fabrique : vous pouvez choisir d’y enregistrer dans le moulin, dans la bibliothèque ou dans le studio le plus sombre en fonction du son recherché. À moins de consacrer votre maison toute entière à une installation comparable (ce qui n’est pas recommandé si vous n’y vivez pas seul), il est plus simple, plus sûr et moins cher d’investir dans quelques jours de studio…

fairchild
Ce compresseur Fairchild 670 original a été photographié chez nos collègues californiens de Vintage King Audio. Cet exemplaire a été acheté par le chanteur Kanye West pour la modique somme de 55 000 dollars.

à la fraiche
Mais alors, me direz-vous, que reste-t-il au home studio ? D’une part, le net avantage du studio pro n’empêche pas un home studio bien maîtrisé de pouvoir produire un album au son tout à fait correct, et surtout d’autre part le home studio est l’endroit de la création intime et des expérimentations. Vous pouvez y prendre le temps de développer votre morceau, d’essayer tel ou tel instrument (même sous sa forme virtuelle) pour tel ou tel passage, bref tout changer pour arriver à une idée avancée de ce que donnera votre œuvre. Étant donné le coût d’un studio, il est quasiment impossible (à moins d’avoir gagné au Loto) d’y prendre le temps d’expérimenter. En revanche, si vous êtes bien préparé à l’avance, l’enregistrement peut aller vite sans pour autant sacrifier ce que vous avez à dire. Les deux sont donc devenus complémentaires : on prend le temps de perfectionner à la maison, puis on fait des belles prises en deux ou trois jours dans un studio pro, puis retour au home studio pour faire les voix ou les guitares (qui ont moins besoin d’une belle salle pour sonner), et mix dans la boîte par quelqu’un qui sait faire. Comme toujours le plus important reste ce que vous avez à dire… Bonne musique !

Laisser un commentaire