Par Woodbrass Team
En plus de son boulot de tête pensante à l’avant-garde du rock new yorkais en tant que leader de The Strokes, Albert Hammond Jr (le fils du chanteur Albert Hammond) s’est aussi lancé dans la production avec un égal bonheur, à commencer par son excellent album solo de 2008 Como Te Llama. Gus Oberg, qui a aussi produit Angles de The Strokes, a aidé Hammond Jr dans cette voie, et ils collaborent aujourd’hui sur le prochain album du groupe indie écossais The View. Lors des prises en Allemagne, le duo s’est adressé à Woodbrass pour acheter deux Focal SM9, leurs moniteurs de prédilection, et nous en avons profité pour les interviewer. Profitez-en, ces deux là n’ont pas l’habitude de dévoiler leurs secrets si facilement !
Gus Oberg (gauche) et Albert Hammond Jr (droite, avec la casquette) : chacun sa Focal SM9 !
Où en est l’album ?
Albert : Nous avons terminé les sessions et ils cherchent quelqu’un pour mixer tout ça.
Pouvez-vous nous décrire votre relation de travail ?
Gus : Il n’y a pas de règles.
Albert : Nous parlons de l’enregistrement avant de le commencer, puis nous parlons entre nous pendant qu’il se déroule. Rien n’est gravé dans le marbre. Gus comprend mieux le studio que moi, et je me repose donc sur lui pour ça.
Qu’amenez-vous chacun au processus ?
Albert : J’amène mon sens de la mode bien sûr ! (rires) Tout a commencé lorsqu’on travaillait sur mes projets solo, nous nous demandions toujours où aller avec notre son. Nous en sommes arrivés au point où l’un de nous deux travaillait sur quelque chose tandis que l’autre était déjà sur autre chose.
Albert, tu es le musicien le plus exposé des deux. Gus, te considères-tu comme un pur technicien ?
Gus : Je me considère à peine comme un technicien ! (rires)
Albert : Il n’est pas seulement un ingénieur. Il a des idées et il a l’oreille, et je pense que c’est le rôle d’un bon ingénieur. Il pourrait tout faire tout seul. Il comprend le son. Mais ensemble, nous trouvons toujours quelque chose de mieux grâce à nos conversations. C’est en ça que j’apprécie notre relation.
Sur Como To Llama les guitares sont très sèches et l’ambiance s’entend surtout sur les voix. Etait-ce un choix conscient ?
Albert : Oui tout à fait, chaque son était prévu. L’album était quasiment tel quel au stade de la démo, nous savions exactement quels sons chercher. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble à faire des démos des idées, à trouver des sons, à faire progresser les morceaux, ce qui a permis d’établir le cadre avant d’entrer en studio. A tel point que nous avons sauté l’étape du studio pour le projet suivant. Nous aurions pu travailler directement sur les démos, il y aurait eu un son de batterie programmée mais nous aurions largement pu le sortir tel quel.
Albert, j’ai l’impression que sur tous tes projets les guitares ont un son très sec, très proche, comme s’il n’y avait pas de micros d’ambiance.
Albert : Tout à fait. Je ne sais pas pourquoi mais j’aime que mon son soit là, comme le nez au milieu du visage.
Gus : Il nous arrive même de sauter l’étape du microphone.
Albert : Oui, souvent nous nous branchons en direct dans la console d’enregistrement. Rien n’est jamais fixé, tout dépend de l’énergie du moment.
Plus généralement, êtes-vous plus intéressés par l’attaque des sons que par leurs durées ?
Gus : C’est généralement ce qui nous attire. Nous essayons des choses différentes mais nous finissons toujours par revenir à des sons dont l’attaque est très présente. On entend toutes les notes, c’est très compressé.
Utilisez-vous des appareils en particulier pour vous brancher dans la console ?
Gus : Nous utilisons généralement un V72, ou bien nous nous branchons directement dessus et nous poussons le préampli jusqu’à la saturation. Nous aimons les préamplis Universal Audio, les 610.
Avez-vous un console de prédilection pour la saturation ?
Gus : Les consoles Neve en général, mais je peux aussi faire saturer une SSL !
Albert : Cela fait un moment que je veux enregistrer sur une console Harrison. Il n’y a pas de raison logique, ça me paraît juste la bonne chose à faire. Mais je pourrais me tromper !
Utilisez-vous des simulations d’amplis ?
Albert : Nos adorons les plugins UAD, mais nous utilisons généralement les simulations d’amplis sur les instruments pour lesquels elles ne sont pas prévues !
Gus : Sur les guitares nous utilisons le 1176 et la collection LA2A, c’est tellement bien !
Albert : Tu mets le LA2A et tout sonne immédiatement mieux !
Albert, penses-tu que le fait d’être guitariste te serve dans ton approche de la production ?
Albert : Les deux ne sont pas complètement séparés. J’aime la production car c’est comme un puzzle, il faut tout assembler. Quand j’étais gamin j’avais un enregistreur 4 pistes et j’aimais faire des démos, mais je n’ai jamais pu leur donner un son plus large. C’est ce que Gus m’a aidé à faire. Il court et je m’accroche à lui !
Que pensez-vous des Focal SM9 ?
Gus : Nous les utilisons partout ! Elles sont parfaites, elles fonctionnent dans tous les environnements. J’apprécie le fait qu’elles sonnent de la même manière quel que soit l’endroit.
Quelle console avez-vous utilisé pour enregistrer l’album de The View ?
Gus : C’était une Neve 8058.
Albert : C’est la console que John Lennon a utilisé pour enregistrer Double Fantasy.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de produire The View ?
Albert : C’est un groupe qui a eu succès, et ils arrivent à un point de leur carrière où ils veulent se réinventer. Cette approche nous a donc donné une grande liberté créative, sonore et musicale. Quand nous sommes arrivés nous avons tout remis à plat.
Qu’est-ce que le groupe pense des enregistrements ?
Albert : Ils sont très excités, ça sonne très différemment de ce qu’ils ont fait avant, mais de manière très positive. Je ne pense pas qu’ils s’attendaient à ce qu’on procède de cette façon mais ça a très bien marché.
Leur album précédent était noyé dans la reverb. Avez-vous calmé cet aspect ?
Gus : Nous avons largement calmé ça ! Nous aimons entendre chaque partie avec précision.
Albert : Cet album pourrait être leur premier. Quand tu es jeune on te noie souvent dans la reverb pour donner une couleur plus lisse et épaisse à ta musique.