Par Woodbrass Team
Brian Ray est le guitariste et bassiste de scène de Sir Paul McCartney, et il nous a accordé une belle interview d’une heure à l’occasion de son dernier passage parisien. Dans la première partie, il nous parlait de son projet The Bayonets et de son modèle Gibson SG signature. Voici la suite !
Comment as-tu choisi les spécifications ?
J’ai choisi le gros manche pour des raisons de jouabilité et de stabilité. Avec deux cutaways et un corps très fin, une SG peut être aussi flexible que du caoutchouc, ce qui n’est pas bon pour la tenue d’accord et la justesse. Mon modèle signature est très stable, presque comme une Les Paul, tu ne feras pas bouger le manche par inadvertance. J’ai choisi les plaques blanches parce qu’avec la finition Silver Fox c’est vraiment très classe, je l’appelle « le costard maléfique » ! Sur le prototype, le Bigsby était presque inutilisable, il ne revenait jamais accordé. Sur une SG, le Bigsby est si bas qu’il y a trop d’angle par rapport à une Tune-o-matic classique. Phillip Whorton m’a donc parlé du Vibramate, une plaque qui s’installe sous le Bigsby et qui a deux avantages : d’une part le Bigsby est plus haut, et d’autre part la résonnance est meilleure. Et il est très facile d’installer un chevalet fixe à la place, ça prend une vingtaine de minutes sans faire de trous supplémentaires. Nous avons aussi essayé plusieurs micros différents avec de choisir le Custom Bucker, que Gibson a conçu avec Jimmy Page pour son modèle signature, et le Classic 57, qui ressort toujours bien dans un mix. Nous avons câblé ces micros avec un potard push-push sur chaque volume pour mettre les bobines en parallèle et obtenir un son plus fin, proche du simple bobinage. Cette guitare est tout simplement excellente…
As-tu conçu ce modèle pour un projet musical particulier ?
Oui, je pensais avant tout à mon rôle dans le groupe de Paul. Je peux me rapprocher du son P90 Beatles avec les bobines en parallèle, je peux avoir le gras des humbuckers… Je voulais une excellente guitare facile à utiliser qui ne me tue pas le dos quand je joue trois heures, et qui a un look incroyable. J’ai conçu ce modèle pour le groupe de Paul, mais je m’en sers aussi en live avec The Bayonets, c’est devenu une guitare qui m’est proche.
Il me semble que tu as aussi dans ta collection le Saint Graal des guitaristes, une vraie Les Paul sunburst de 1959.
Oh oui… Quand j’étais gamin, je voyais Eric Clapton avec les Bluesbreakers, Jimmy Page, Jeff Beck, Mick Taylor, Peter Green… Tous les grands utilisaient une Les Paul sunburst. C’est effectivement le Saint Graal, pas de doute là-dessus. C’est une guitare faîte à la main, très belle, très versatile et avec une voix bien à elle. Gibson avait perdu cette qualité là, et ça n’est que très récemment avec les progrès du Custom Shop qu’ils sont parvenus à retrouver ce niveau. J’avais une réédition, et ça m’a donné envie de m’acheter la vraie… J’ai toujours trouvé le prix ridicule, et j’en ai finalement trouvé une à un prix raisonnable au Canada. Elle est magnifique, elle ne pèse que 4 kilos, elle a l’étui original. Elle n’a pas une table très flammée, mais elle est très propre.
L’as-tu déjà jouée sur scène ?
Jamais, non. Je la sors de son étui pour la jouer à la maison ou en studio. Il n’y a même pas de marque de boucle de ceinture à l’arrière donc je veux la garder comme ça.
Comment définirais-tu la différence entre ta réédition et ton originale ?
Pour être tout à fait honnête, le Custom Shop fabrique les meilleures Les Paul que Gibson ait proposé depuis 50 ans. Cela dit, rien ne remplace l’effet du vieillissement, lorsque une ancienne électronique est mariée à du bois ancien.
Pour les concerts avec Paul, quel est le reste de ton système ?
Je passe par un excellent système sans fil Shure, j’arrive sur un pedalboard avec un Polytune TC Electronic, un Line 6 M9, un Strymon El Capistan pour les délais plus longs, et une EQ MXR 6 bandes sur lequel je coupe les bas-médiums et je booste les médiums pour avoir le son criard des riffs des Beatles comme Day Tripper. Je sors en stéréo sur deux Marshall : un nouveau JTM45 handwired 30 watts et un 2061X handwired 18 watts, les deux sur des baffles fermés 2×12“. Le 18 watts est à fond, crunchy à la AC/DC sans être trop distordu, et le JTM45 a le volume à 5 pour obtenir la même puissance que le 2061X à fond.
Et lorsque tu joues de la basse avec Paul, quel est ton instrument de prédilection ?
J’ai une SG Bass Epiphone, je la préfère à la version Gibson parce qu’elle a un diapason long. Je l’ai modifiée avec un pickguard blanc pour imiter ma SG signature ! J’ai mis un micro humbucker de Guild M85 en position manche. J’aime la M85 parce que c’est la première basse que j’ai jouée avec Paul, mais je crois que je vais remettre le micro d’origine sur l’Epiphone, il avait une meilleure définition. Je pense que Paul attend ce côté précis de la part de la basse.
Paul te donne-t-il souvent des indications sur ce qu’il veut que tu joues ?
Paul est extrêmement généreux, et il dispose d’un catalogue incroyable. Il sait que les membres de son groupe auront fait leurs devoirs et sauront à peu près ce qu’ils doivent faire. Il faut choisir les arrangements qui font partie de la chanson, les parties que le public veut entendre, sans pour autant être si fidèle que tu en deviens une peinture à l’huile, une pâle copie. Et c’est là que la générosité de Paul intervient : il change quelques détails d’un soir sur l’autre, déplace légèrement certains accents, sa partie de piano sur The Long And Winding Road par exemple n’est jamais deux fois la même. C’est un moyen de faire que la musique reste vivante. Il ne me dit pas grand chose : en 13 ans que nous avons joué ensemble, il m’a fait 3 remarques du genre « Je ne suis pas sûr que ça soit la bonne partie, réécoute peut-être l’album ! ». Et dans ces cas-là je me cache dans un coin avec mes écouteurs et il a toujours raison !
Comment comparerais-tu les méthodes de travail des différents artistes que tu as accompagné au fil des années ?
Chaque artiste à sa propre personnalité et ses propres défauts, et ils ont tous le talent nécessaire pour pousser les musiciens à donner le meilleur d’eux-mêmes. Mon métier sous-entend d’être constamment sur tes gardes, et il mobilise tout ce que tu as appris : ton sens du rythme, ta justesse, ta cohérence… Etta James était un autre genre d’artiste, très profonde émotionnellement parlant. Très versatile aussi : elle pouvait chanter du rock comme personne, mais elle pouvait aussi parler directement à ton cœur. Johnny avait d’excellentes orchestrations sur certains morceaux et d’autres chansons plus basiques qui sonnent comme « Crossroads » ! Mylène était l’opposée de Johnny : très douce, très féminine, mystérieuse. Avec elle, tu ne veux pas tout gâcher en jouant du blues américain, il faut trouver une personnalité plus atmosphérique. Le show de Paul demande énormément d’énergie pour tenir 3 heures avec une setlist très variée qui va de The Long And Winding Road à Helter Skelter, toute la gamme des émotions humaines y passe, le tout à un tel niveau de perfection que tu as envie de donner le meilleur de toi-même. Rusty Anderson (l’autre guitariste) et moi sommes sur le devant de la scène, au même niveau que Paul, donc on ne peut pas se cacher ! D’ailleurs, Paul a la gentillesse de nous considérer comme les membres de son groupe, et pas simplement les musiciens qui l’accompagnent.