Par Woodbrass Team
L’art d’être sideman est un rôle très compliqué, qui sous-entend à la fois d’être extrêmement talentueux, fiable, imaginatif, adaptable et charismatique mais de mettre toutes ces qualités au service d’un autre artiste. L’Américain Brian Ray est un maître de cette discipline depuis le milieu des années 70, lorsqu’il a passé quinze ans sur la route à accompagner la légendaire chanteuse soul Etta James. Il a ensuite eu une période française aux côtés de Johnny Hallyday et Mylène Farmer, puis le batteur de Mylène, Abe Laboriel Jr., l’a recommandé pour la tournée sur laquelle il allait partir. En 2002, Brian Ray est donc devenu le guitariste et bassiste de scène de Sir Paul McCartney. Le 11 Juin, il était sur la scène du Stade De France en compagnie de l’ex-Beatles, et la veille il a eu la gentillesse de nous accorder une heure d’interview au bar d’un palace parisien. Nous vous présentons donc cette véritable leçon de son, de guitare et de professionnalisme en deux parties.
En dehors de la tournée avec Paul McCartney, ton actualité immédiate est la sortie du premier album de ton groupe The Bayonets, Crash Boom Bang.
J’ai travaillé pendant une douzaine d’années sur ma carrière solo, le temps de réaliser Mondo Magneto puis This Way Up, et j’en suis arrivé au moment de réfléchir à un troisième album. J’ai donc fait appel à mon ami et collaborateur Oliver Leiber avec qui nous avons co-écrit de nombreux titres des deux premiers albums. Il m’a dit « j’aimerais beaucoup monter un groupe », et je lui ai répondu du tac-au-tac « ok ça me va, commençons à écrire » ! C’était une véritable décision spontanée. Nous avons écrit les deux premiers singles ce même jour, « Sucker For Love » et « Smartphone ». L’étape suivante était de trouver un nom, ce qui nous a pris deux mois à s’envoyer des textes avec des idées stupides. Nous avons finalement trouvé The Bayonets, d’autres groupes s’appelaient comme ça mais nous voulions tellement garder ce nom que nous avons acheté les droits du nom à un petit groupe Néo-zélandais.
Avais-tu déjà un son précis en tête ?
Oui absolument, j’entendais un son plus cru, plus déshabillé. Je voulais des guitares graves, profondes, retro et noyées dans la reverb à ressort à la Duane Eddy. Nous avons mélangé le rockabilly et le rock garage, rien de trop précieux, un gros son bien puissant. Je me suis ainsi éloigné de mon côté singer / songwriter au profit d’une approche de jeune groupe qui veut tout dévorer, c’était très libérateur.
Quelles guitares as-tu utilisé pour l’enregistrement ?
Il y en a un paquet ! Nous avons passé beaucoup de temps au studio d’Oliver à passer d’une guitare à l’autre sur différents amplis pour trouver le son qui nous plaisait. La plupart des gamins aujourd’hui ne connaissent ça que sous forme de presets à faire défiler, mais c’est une danse particulièrement jouissive de passer d’une guitare vintage à l’autre. Celles qui sont revenues le plus souvent étaient une Gretsch Duo Jet, une Telecaster, une Gretsch 6120 et une Gibson ES-295 de 1954, la même que Scotty Moore pour les premiers enregistrements d’Elvis ! Davey Faragher du groupe d’Elvis Costello était à la basse pour certains titres avec une superbe Precision Bass sunburst avec plaque dorée.
Y a-t-il un ampli particulier que tu as utilisé plus que les autres ?
Oui, un ampli très particulier dont j’ai appris plus tard que Duane Eddy l’utilisait souvent. C’est un Howard, avec 4 hauts parleurs de 10 pouces, il est très haut et fin, avec un son qui se compresse très musicalement et une reverb incroyable.
Sur Voodoo Doll tu utilises une 12 cordes électrique n’est-ce pas ?
Oui, tout à fait. C’est une Silvertone pas chère que j’ai accordée en open. J’aime le folk blues et le slide à la 12 cordes est quelque chose de très cool, même si très peu de guitaristes le font. Par contre je ne peux pas le faire en même temps que je chante.
Pourquoi avoir choisi une SG pour ton modèle signature alors que sur la pochette de tes deux albums solos on te voit avec une Les Paul Junior ?
Quand j’accompagne Paul McCartney, la Les Paul Junior est très efficace pour certaines choses puisque le P90 était une partie importante du son Beatles : ils utilisaient des Epiphone Casino pour de très nombreuses parties. Mais il n’y a pas de micro manche, ce qui la rend un peu limitée, et sur scène le P90 peut être assez bruyant. J’ai beaucoup utilisé ma Les Paul gold top de 1957 : c’est une guitare très précieuse pour moi puisque j’ai joué tous mes concerts avec Etta James dessus. Je l’ai aussi emmenée avec Paul en 2010 – 2011, notamment pour les solos de Letting Go et Get Back. Le problème c’est que quand tu joues des shows de 2 heures, une Les Paul ça devient lourd au bout d’un moment. J’ai donc fini par utiliser une SG de 1961 avec le vibrato sur le côté. Les SG sont un peu plus agressives vu que le corps est plus fin. J’ai donc choisi la SG pour mon modèle signature, et j’ai travaillé de très près avec le Custom Shop Gibson et Vic DaPra qui a dirigé le projet.
Explique nous le choix de cette couleur si particulière.
Vic m’a proposé plusieurs couleurs comme le bleu et le vert mais pour moi c’était du déjà vu. J’ai alors pensé à ma Casino de 1965 : elle a une couleur très rare qu’on voit plus souvent sur les solid bodies de cette époque, le Silver Fox. Gibson n’a jamais utilisé cette couleur mais vu que Epiphone leur appartient je me suis dit que ça serait vraiment cool que Gibson apprenne à refaire cette couleur. J’ai donc amené ma Casino à Phillip Whorton du Custom Shop Gibson et il a analysé la finition pour retrouver la formule. Il m’envoyait des planches d’acajou teintes à valider, et au bout de cinq ou six essais ils y sont arrivés ! Je crois qu’il s’agit d’une couche de TV Yellow qui vient remplir le grain du bois par dessus une guitare qui a déjà été peinte en noir. A la fois tu rajoutes une petite couche de couleur ambre pour obtenir la teinte légèrement verte. Ce n’est pas simple à réaliser !