Par Woodbrass Team
Vous êtes parisien ? Alors vous connaissez forcément les contraintes de la vie de musicien en appartement, et les voisins qui vous regardent de travers dans l’ascenseur le lendemain de la nuit de noce avec votre Marshall. Il est donc parfois très agréable, voire nécessaire, de se prendre quelques heures dans un studio de répétition pour faire hurler les watts sans risquer les lettres de menace. Si vous êtes familiers des Woodbrass Stores, vous connaissez sans doute le Studio Géode. Ce complexe de 1000 mètres carrés, situé à deux pas de la Porte de la Villette (25 Avenue Corentin Cariou, 75019), propose des studios dans une ambiance qui donne envie de s’éterniser à côté de la machine à café longtemps après la répète. Afin d’en savoir plus sur la vie d’un tel lieu, nous avons rencontré le gérant Hubert et le régisseur général Michel.
Quelle est l’histoire de ce lieu ?
Hubert : Ça peut paraître brut au premier abord, puisqu’on a essayé de garder l’esprit du lieu. C’était une usine qui date à peu près de 1900, ça a sans doute eu un rapport avec la viande puisqu’on est à côté de La Villette, puis une visserie, une menuiserie, un atelier de réparation d’électroménager, et enfin un artiste sculpteur s’y est installé. Ça a fini en squat juste avant notre arrivée.
Comment avez-vous lancé le Studio Géode ?
Ça a été difficile puisqu’en arrivant on a été obligés de s’engager avant même d’avoir les devis. J’ai trouvé l’endroit super mais le risque était gros. On a signé il y a 5 ans en imaginant s’en sortir pour 400 000 euros de travaux, mais les devis indiquaient 1,2 million ! Au début on a donc vraiment ramé, d’autant plus que nous manquions de salles pour équilibrer les comptes. Depuis un an ou deux on commence enfin à sortir la tête de l’eau, et il reste encore pas mal de surfaces à aménager.
Michel (gauche) et Hubert (droite)
Comment avez-vous réalisé les studios ?
Au départ il n’y avait pratiquement pas de cloison, les studios ont donc été bâtis pour une société d’isolation phonique. Ils ont fait des boîtes sur suspension en caoutchouc avec des triples parois en placo. On a donc vraiment pensé le lieu en fonction des réglementations. Nous sommes tous les deux musiciens, je fais des studios depuis 30 ans, donc au niveau de l’acoustique nous sommes capables de juger : on a donc mis des plaques jusqu’au moment où le son était satisfaisant pour nous. Nous avons donc commencé par 5 studios au même format réalisés par une société, et nous sommes actuellement en train de faire des studios nous-mêmes. Nous les faisons donc de façon légèrement différente, plus personnalisée. On a commencé par du costaud, du parpaing, puis on a mis des épaisseurs de laine de roche et de placo. Ces studios nous ressemblent plus, d’autant plus que dans certains on peut voir le jour. En général à Paris les studios de répétition se font dans des caves, le fait d’avoir la lumière de la cour est donc un atout non négligeable.
Faîtes-vous de l’enregistrement ?
On en fait uniquement au studio de la rue des Petites Ecuries.
Hubert, quel a été ton parcours ?
J’ai fait des studios de répète depuis l’âge de 16 ans ! D’abord pour mon propre usage, ensuite pour mon groupe, puis pour un pote bassiste qui jouait avec Taxi Girl. Il m’a dit de venir sur Paris pour m’occuper de son studio, mais il le gérait de façon catastrophique ! Je me suis donc trouvé un autre studio pour faire de la batterie, et on m’a aussitôt demandé à le louer.
Tu es donc batteur ?
Oui absolument. J’ai 61 ans donc j’ai commencé par jouer du Hendrix et du Cream, puis j’ai fait pas mal de jazz rock à la Magma et je suis revenu à du pop rock.
Et toi Michel ?
Michel : Je suis guitariste, ouvert à tout mais plutôt branché rock et jazz moderne. Je joue surtout avec des amis, pour le plaisir mais pas en tant que pro.
Quel est votre matériel ?
Michel : J’ai une Stratocaster et niveau ampli je me branche sur ce que je trouve dans les studios !
Hubert : J’ai un avis particulier sur le matos puisque je le vois avant tout avec des yeux de mécanicien. Je travaille donc beaucoup avec Pearl parce qu’ils ont un excellent S.A.V., et il est simple de trouver des pièces précises chez eux plutôt que de changer une partie entière. Niveau visserie c’est très simple, tu trouves toujours une solution de dépannage.
La fiabilité est-il le critère le plus important pour le matériel que vous choisissez pour les studios ?
Michel : Absolument, sinon tu es emmerdé tous les jours !
Hubert : Oui, avec certaines marques de batterie on n’en finirait pas… Côté sono on aime bien bosser avec HK, la série Performer a une très bonne définition. Il suffit de deux enceintes, c’est robuste !
Combien de groupes accueillez-vous par semaine ?
Il y a environ 15 répétitions par jour sur chacun des deux sites, on arrive donc à 30 séances de deux ou trois heures chaque jour, ce qui fait qu’on dépasse largement les 100 séances par semaine.
Que deviennent tous ces groupes ?
Dans les années 90 on rêvait tous de vivre de la musique, mais à l’heure actuelle les musiciens sont plus réalistes, et la plupart assument leur statut d’amateurs passionnés. Il y a même beaucoup de quarantenaires qui viennent se détendre ici avec leurs amis.
Y a-t-il un style prédominant parmi eux ?
C’est de moins en moins le cas. Ça va du batteur solo à la chorale gospel en passant par le jazz, ça part dans tous les sens en ce moment ! Fut une époque où la plupart des formations étaient simplement batterie / basse / guitare et claviers. Avant tu pouvais accepter 80% des clients avec un studio de 25 mètres carrés, mais maintenant il faut proposer différentes offres pour les batteurs solos, pour les fanfares, pour les artistes qui mélange électro et acoustique… Beaucoup d’artistes viennent avec un Mac sur lequel leurs séquences sont déjà prêtes. La diversité est le maître mot à l’heure actuelle.