par Jules Joffrin – Woodbrass Team
Un magasin digne de ce nom ne peut pas se passer d’un excellent atelier, et pour ça il faut un luthier qui maîtrise parfaitement son sujet ! Nicolas est luthier du Woodbrass Store instruments à vent depuis bientôt 14 ans, et autant vous dire que l’entretien d’un saxophone n’a plus aucun secret pour lui…
A quel âge as-tu décidé de devenir luthier ?
Je n’étais pas tout jeune, je devais avoir 14 ou 15 ans ! J’ai toujours réparé les objets, qu’il s’agisse de vélos ou autres… J’ai failli m’orienter vers une formation en électronique, mais j’ai goûté à la musique avec mon cousin. On partait en vacances ensemble et il m’emmenait partout avec lui, en répète comme en concert, grâce à lui j’ai commencé le saxophone. Il m’a dit qu’il existait une formation au Mans, l’Institut Technologique Européen des Métiers de la Musique, qui formait des facteurs d’instruments à vent, pour réparer les saxophones, clarinettes, flûtes, trompettes, trombones… En fin de troisième j’étais déjà motivé pour faire cette école, mais il fallait un maître d’apprentissage et du coup j’ai mis un an pour le trouver, donc j’ai été obligé de faire une seconde générale en attendant.
Ça ne devait pas être facile de bosser dans ces conditions…
Exactement. J’ai bossé un peu pendant les six premiers mois mais après j’avais vraiment l’ITEMM en tête. J’ai intégré cette école à 17 ans, et en troisième année je passais la moitié de mon temps en entreprise, chez Major à Pigalle. J’ai ensuite obtenu mon CAP facteur d’instruments à vent et j’ai continué de travailler chez Major pendant deux ans. Je suis ensuite parti pour le service militaire, et en rentrant j’avais envie de changer d’air. Je suis donc arrivé chez Woodbrass en septembre 2000. J’entame donc ma quatorzième année ici !
En quoi consiste ton métier ?
Je m’occupe de toutes les réparations sur sax, clarinette, flûte… On ne fait pas les anches doubles comme le hautbois, tout simplement pour se concentrer sur ce qu’on fait le mieux ! Je m’occupe de préparer les instruments qui sont vendus en magasin et sur le net, et j’assure le service après-vente. Je suis aussi chargé de l’accueil client, des devis, des factures et de mon réapprovisionnement en pièces.
Quelles sont les demandes qui reviennent le plus souvent ?
C’est simple : des révisions, des réglages, des remises en état. Sur un saxophone, on remet tout ce qui est mécanique en état. Par contre si il y a un revernissage complet à faire on ne fait pas, mais en général les clients préfèrent garder la patine naturelle de leur instrument.
Quelle a été la demande la plus inhabituelle ?
J’ai eu l’occasion de modifier une clarinette pour un musicien qui avait un morceau de phalange en moins. On a tout fait à distance, par mail avec des photos. Au final, le résultat était impeccable et le client était très content, même si il aurait été bien plus simple de procéder en direct.
Y a-t-il un modèle de saxophone dont les clients rêvent tout particulièrement ?
Oui, bien sûr, il s’agit du Selmer Mark VI fabriqué dans les années 50 et 60. Les vieux modèles peuvent valoir aussi cher qu’un neuf !
Y a-t-il des rencontres qui t’ont particulièrement marquées ?
Il y a quelques années, Ravi Coltrane passait en concert à la Cité de la Musique. Avant le concert, il est venu me demander de réparer son saxophone. Il était vraiment sympa, et je me suis occupé de lui. Le lendemain, le réparateur de saxophones Hervé Martin, qui avait vu Ravi après le concert, m’a téléphoné et m’a dit « tu sais d’où vient le sax que Ravi t’a amené ? C’était celui de son père ! ». J’ai donc soufflé dans le sax de John Coltrane… Heureusement que je ne l’ai pas su avant, j’aurais trop tremblé pour pouvoir bosser !