Par Woodbrass Team
Lorsqu’on parle des génies qui ont révolutionné la guitare acoustique, les pères fondateurs comme Gibson ou Martin sont toujours tout en haut de la liste, et d’autres pionniers comme Washburn (fondée en 1883 tout de même !) ou Taylor (plus récent mais tout aussi innovant) apparaissent invariablement à leur suite. Mais les frères Larson méritent amplement leur place dans cette liste, et grâce à la réapparition de leur nom sur une superbe série de guitares Made in France, il se pourrait bien qu’ils se remettent à faire du bruit.
Tout commence dans la ferme de Luddet, en Suède, à la fin du dix-neuvième siècle : les jeunes frères Carl Johan Ferdinand Larson et Peter August Larson décident de rejoindre les membres de leur famille déjà émigrés aux Etats-Unis. Ils y apprennent le travail du bois, et ouvrent leur atelier de fabrication de guitares à Chicago. Très vite, la qualité de leur travail leur vaut une solide réputation auprès des connaisseurs, et ils travaillent d’arrache-pied. En moins d’un demi-siècle, les deux frères auront fabriqué 2500 guitares environ ! Leur production totale est d’autant plus ardue à estimer qu’ils n’ont jamais eu leur propre marques : ils étaient sous-traitants pour de nombreuses compagnies qui vendaient les guitares Larson sous les noms Stahl, Euphonon, Maurer, Stetson, Prairie State ou encore Dyer. Malgré cette grande diversité de marques, le connaisseur peut reconnaître du premier coup d’œil un instrument (guitare, mandoline ou harpe-guitare) né sous les ciseaux des frères de Chicago. La décoration est l’aspect qui saute aux yeux, avec un talent indéniable pour l’inscrustation, qu’il s’agisse de discrets repères de touche bien particuliers, de décoration de tête florale assez proche de la Martin D-42 ou encore d’une décoration sur toute la touche comme le fameux motif « tree of life » (l’arbre de vie).
Larson du corps
Dans les méthodes de fabrication, les Larson ont aussi imposé leurs pattes et proposaient des innovations qui leur sont souvent restées exclusives. Ils ont été les premiers à faire des barrages en bois laminés (d’où un brevet déposé en 1904), ce qui, allié à leur méthode de fabrication des tables sous tensions, donne des guitares plus légères et surtout plus rigides. Dans cette même logique, les frères Larson avaient conçu un système de truss rod très efficace qui se prolongeait dans le corps de l’instrument. La rigidité accrue de la table comme du manche permettait d’utiliser des cordes acier sans aucune déformation de leurs guitares, à une époque où les cordes en boyau / nylon étaient le standard. Carl Larson meurt en 1944, August en 1946, et leur nom disparaît alors dans les notes de bas de page de l’histoire de la guitare. Certaines Larson sont plus connues que d’autres, notamment la gigantesque Prairie State Big Boy (à côté de laquelle la J-200 de Gibson passe pour un ukulélé !), la jumbo Euphonon du légendaire cowboy chantant Gene Autry, et enfin la petite Stahl 12 cases à tête ouverte qui a eu l’honneur d’être l’acoustique de chevet de Jimi Hendrix. Suite à la redécouverte du génie des frères de Chicago, les autres Larson s’échangent désormais à prix d’or entre collectionneurs.
My Larson is French
Par un heureux hasard de l’histoire, c’est par la France que passe la renaissance du nom près de 70 ans après la disparition des luthiers originaux, ajoutant ainsi l’hexagone à la Suède et à Chicago dans la géographie de leur légende. Les nouvelles Larson Bros. sont fabriquées avec une exigence de qualité qui rappelle de très près le côté maniaque de Carl et August, selon des plans d’époque et avec une décoration sur le modèles des grandes anciennes. Même les noms de modèles reprennent les marques pour lesquelles travaillaient les frères Larson, comme un clin d’œil ironique dans ce retournement de situation puisque leur nom est désormais écrit en plus gros que ces anciens commanditaires… Les Stetson sont les dreadnought (logique !), les Maurer ont la taille OM et les Prairie State sont d’imposantes jumbo. Enfin, le nom Euphonon a été conservé pour les guitares vieillies d’origine. La série Standard met la qualité Larson à portée de toutes les bourses (à l’opposée du prix des modèles d’époque !), tandis que la série Vintage 1900 donne dans le très haut de gamme. L’homme derrière ces merveilles n’est autre que Maurice Dupont, le fameux luthier français dont l’atelier de Cognac a déjà fait ses preuves à de très nombreuses reprises. Espérons que ces réinterprétations redonne leur juste place aux frères Larson dans l’histoire de notre instrument, et cela en rendant le rêve plus accessible pour de nombreux musiciens.