Par Woodbrass Team
Comme tous les ans, le salon du NAMM à Los Angeles est l’occasion pour tous les fabricants de dévoiler leurs nouveautés aux professionnels et passionnés qui se sont déplacés pour arpenter les allées gigantesques du Convention Center. Woodbrass y est bien sûr (vous pouvez d’ailleurs suivre nos aventures sur www.twitter.com/woodbrass) et alors même que le salon ouvre ses portes demain jeudi 22 janvier, il y avait déjà pas mal de choses à faire ce mercredi… Suivez le guide pour être certain de ne rien rater.
La superbe Fender Custom Shop Caballo Tono
Le premier événement de la soirée était la réception organisée par Fender en l’honneur du Custom Shop. Plus de 300 modèles uniques y étaient exposés, dont pas mal d’instruments complètement insolites, sublimes et improbables (voir galerie photo ci-dessous), et les revendeurs avaient l’occasion de faire leur marché en étant tirés au sort pour savoir qui aurait le droit d’acheter les guitares sur place. De nombreux master builders du Custom Shop, ces luthiers surdoués dont les mains de fées assemblent des électriques parmi les plus désirables au monde, s’étaient déplacés et on pouvait donc discuter librement avec une star comme Stephen Stern, le « monsieur Gretsch » du Custom Shop. En plus des modèles visuellement délirants, cet événement était aussi l’occasion de se remettre les idées en place en distinguant clairement les différentes séries du Custom Shop. Les Time Machine sont des répliques de modèles d’époque, les plus fidèles possible aux originales. Les Limited sont des modèles qui ne disponibles que pendant un temps limité. Les Master Built sont des instruments construits d’un bout à l’autre du processus par un seul et même luthier, qui insuffle donc sa sensibilité artistique dans le processus. Les Artisan sont les guitares pour amateurs de beaux bois très figurés, qu’ils soient exotiques ou simplement très beaux à regarder. Les American Custom (nouvelle série pour 2015) sont les plus modernes du lot, conçues pour une performance moderne et avec les appointements actuels les plus courant (par exemple chevalet 6 pontets sur les Telecaster). Enfin, les Post Modern (série elle aussi nouvelle pour 2015) sont une synthèse de 60 ans d’innovations, c’est-à-dire que les luthiers du Custom Shop ont choisi des spécifications bien précises qui sont des choix purement subjectifs, sans se soucier de la fidélité à une année ou une autre. Nous avons ainsi pu admirer une Telecaster Post Modern Black qui allie une jonction corps / manche arrondie pour l’accès aux aigus, des potards style 1958, un logo type 1965, une plaque de protection trois plis, des micros Twisted Tele, le circuit Greasebucket de tonalité et enfin l’excellent chevalet RSD Tele Bridge, qui respecte le look et le son des chevalets 3 pontets vintage mais décale légèrement les cordes de Ré et Sol pour une justesse optimale. Nous avons aussi découvert à l’occasion de cette soirée un nouveau degré d’usure : les Journeyman. Il y avait les New Old Stock qui sont comme neuves, les Closet Classic qui sont quasi-neuves, comme si elles avaient dormi dans un placard depuis 50 ans, et les Relic qui sont bugnées de partout comme si elles avaient servi d’arme dans une échauffourée. La finition Journeyman vient trouver sa place entre ces deux derniers, c’est-à-dire qu’elle reproduit l’usure d’un instrument qui a été joué pendant des années par un propriétaire précautionneux. Enfin, nous sommes tombés amoureux de la dernière variation sur le thème de la Cabronita, la sublime Tele Caballo Tono 2015 Limited Edition. Elle reprend le look désormais classique de la Telecaster Cabronita classique avec son micro manche TV Jones Classic et son micro chevalet Handwound Texas.
L’excellent chevalet RSD Tele Bridge
My Taylor is finally rich
Mais il est déjà temps de prendre la navette qui nous amène au très chic restaurant The Grove, où le gratin de la presse guitare américaine est réuni pour la soirée Taylor. Kurt Listug, le très discret PDG que vous connaissez déjà grâce à notre interview, est le premier à prendre la parole et il n’a que des bonnes nouvelles à nous donner : 2014 a été la meilleure année pour Taylor depuis leurs débuts, et la réinvention de la série 800 a été un franc succès, avec 60% d’augmentation des ventes. D’ailleurs, la 814ce est à l’heure actuelle la guitare fabriquée aux Etats-Unis la plus vendue. C’est ensuite au tour de Bob Taylor de prendre la parole, et il se concentre sur le défi du futur, c’est-à-dire la disponibilité des bois de luthier. « Le bois ne pousse pas sur les arbres ! », blague-t-il pour nous expliquer qu’il devient très complexe à l’heure actuelle de trouver des sources durables de bois de qualité. Chaque guitare doit donc être de qualité suffisante pour justifier le bois qu’elle demande, et il est temps de se pencher sur le futur des forêts. En compagnie du spécialiste des bois Steve, lui aussi venu prendre la parole, Bob Taylor a donc monté une société à Hawaii pour faire pousser de l’acajou, de l’ébène et surtout le bois local par excellence, le koa. Bob nous explique que la pire ennemie du koa est la vache, qui adore se nourrir de ces arbustes. Il faut donc construire des barrières autour des grandes plantations afin d’assurer l’avenir de cette variété.
C’est koa ce bois ?
Mais il n’y a pas que le koa dans la vie, et Bob nous raconte qu’il est tombé en arrêt devant la beauté d’un érable coupé aux Etats Unis. L’érable est pourtant un bois peu prisé, personne n’a jamais cherché à volontairement faire pousser de l’érable. Steve explique qu’il est sur le point d’avoir terminé le développement d’une technique de clonage qui permettrait d’avoir des plantations entières d’érable à guitares, mais pour cela il faudrait que les gens veuillent jouer sur des guitares en érable ! Le luthier Andy Taylor Powers prend alors la parole pour nous expliquer qu’en général, les guitares actuelles en érable ne sont pas drôles à jouer, et sur le plan visuel leur teinte est trop claire, ce qui donne une mauvaise image de ce bois alors qu’il est utilisé depuis 500 ans pour les violons et les mandolines. L’érable est linéaire et transparent, il peut donc sonner comme le luthier décidera qu’il sonne. Andy s’est donc inspiré des techniques employées pour refondre la série 800 afin de concevoir une bonne guitare en érable, et voici donc la nouvelle série 600 ! Cette nouvelle série reprend la finition très fine, les colles et les barrages très étudiés (chaque forme a une forme de barrage qui lui est adaptée) des nouvelles 800, mais elle y ajoute un corps en érable teint à la main (puisqu’un spray de peinture aurait été trop épais par rapport à la finition très fine), un manche lui aussi verni à la main, une table en érable torréfié (dont la structure est donc cristallisée pour un son vieilli et une meilleure stabilité), un accastillage en nickel, le système de préampli Expression 2 et enfin des décorations superbes comme la petite fleur à l’arrière de la tête (habituellement réservée aux Taylor custom), le placage de tête en ébène avec son binding, la touche ébène à binding ébène et la plaque de protection en ébène huilé. Les spécifications techniques sont une chose, la guitare en action en est une autre, et la brillante démonstration de Andy (qui est aussi bon guitariste que luthier, un peu énervant le gars !) nous a fait entendre une guitare au son clair, très détaillé mais sans la froideur courante chez les guitares érables existantes. Pour l’heure, nous avons pu essayer la 614ce Grand Auditorium et la 618e Grand Orchestra, et nous vous conseillons vivement de poser les doigts sur ces nouveaux modèles, ils le valent bien !
De gauche à droite : Rex Brown (ex-Pantera), Mark Osegueda (Death Angel), Chris Broderick (Megadeth) et Alex Skolnick (Testament).
Metal alléchant
Enfin, notre soirée se termine chez Mickey, puisque le concert à ne pas rater à lieu au village de Disneyland, à la House Of Blues de Anaheim. Pourtant, l’humeur n’est pas aux ballades de Phil Collins puisque ce soir c’est Metal Allegiance, un regroupement de stars de métal qui n’est pas possible qu’à l’occasion du NAMM, où tous les musiciens, même les plus connus, se retrouvent et échangent avec les marques qui les endorsent. Tout a commencé par les trois quarts de Anthrax avec Scott Ian à la guitare (une Jackson Randy Rhoads noire à grande plaque blanche façon Flying V et repères blocs), Frank Bello à la basse (une LTD noire sur un mur d’amplis Hartke) et Charlie Benante à la batterie. Le premier à chanter est Troy Sanders, le bassiste de Mastodon qui s’essaie à l’hymne du groupe S.O.D. « Sargent D and the S.O.D. ». Derrière, les amplis guitare sont trois stacks triple corps, deux Marshall et un EVH (avec une tête Orange par dessus tout ça). L’invité suivant est Alex Skolnick (guitariste de Testament) sur sa LTD sunburst signature, Dave Ellefson (bassiste de Megadeth sur sa Jackson 5 cordes gris métallisé et Mark Osegueda (Death Angel) au chant. Ils se lancent dans « Rapid Fire » de Judas Priest, puis sont rejoins par Rex Brown (bassiste de Down et ex-Pantera) et Chris Broderick (guitariste de Megadeth) avec un Jackson custom blanche à 7 cordes. Le flot d’invités ne s’arrête plus puisque ce sont ensuite Gary Holt (guitariste de Slayer) avec son ESP signature rouge à EMG rouges, Andras Kisser (guitariste de Sepultura) avec sa Jackson Soloist blanche et Mike Portnoy (ex-Dream Theater) en double batterie avec Charlie Benante) qui se lancent dans un hommage au groupe de thrash allemand Accept avec « Balls To The Wall ». Ils partent ensuite dans un hommage à Black Sabbath avec un très lourd Into The Void et Heaven And Hell, puis Skolnick prend une acoustique Yamaha pour le classique de Ozzy Obsbourne « Diary Of A Madman ». C’est ensuite Chuck Billy (chanteur de Testament) et Johnny Tempesta qui prennent la scène sur Cold Sweat de Thin Lizzy, puis le batteur d’Exodus Tom qui joue à trois kits avec Tempesta et Benante. Vient ensuite le grand moment de la soirée, lorsque Scott Ian, armé d’une Jackson King V white pearl et Andreas Kisser, avec sa classique Randy Rhoads noire s’attaquent au répertoire de Sepultura avec la double batterie de Charlie Benante et Mike Portnoy. « Attitude », « Refuse / Resist » puis « Territory » achèvent de mettre tout le monde d’accord. Vient ensuite l’hommage inévitable à Iron Maiden avec l’instrumental « Ides Of March » enchaîné sur « Murders In The Rue Morgue », puis la moitié du premier album de Van Halen, c’est-à-dire « Runnin’ With The Devil », « Erruption » (executé de main de maître par un Alex Skolnick qui arbore pour l’occasion une guitare EVH stratoïde jaune rayée de noir), « You Really Got Me » et « Atomic Punk ». Le tout se termine sur deux titres de Kiss (« Cold Gin » et « I Love It Loud ») avant de conclure sur « Highway To Hell » de AC/DC, le titre idéal pour finir une belle soirée comme ça. Au-delà de la chance de voir tous ces musiciens côte à côte et des grandes leçons de technique et de musicalité qu’il y avait à prendre, ce qui ressort de ce concert Metal Allegiance est avant tout le plaisir que tous prenaient à jouer, quelque chose comme un tribute band de grand luxe qui rend modestement hommage aux héros qui ont forgé leur style musical. Le rapport avec le NAMM est tout trouvé : les instruments c’est très bien, mais il ne faut jamais oublier que tout cela est conçu avec l’objectif de faire de la musique. Alors à vous de jouer, et à demain pour le compte rendu de la première journée complète d’ouverture du salon.
Telecaster Paisley et 1966 Closet Classic Jaguar Ocean Turquoise 1966 masterbuilt Dennis Galuszka
Tête de la Clown Patch Active Strat master built by Dale Wilson
Pine Cone Stratocaster master built by Yuriy Shishkov (550 diamants, or 18 carats)
Deux créations du génial master builder Dale Wilson
Le Custom Shop Jackson est allé beaucoup trop loin avec cette guitare en forme de requin / rhinocéros préhistorique dont l’œil s’illumine lorsqu’un jack est branché dans la gueule