Rupert Neve est né en 1926 et n’a jamais cessé de marquer l’industrie musicale durant 7 décennies. Rupert Neve, à qui revient en grande partie la paternité du concept de la console de studio, et dont le statut de maître à penser en matière de qualité sonore doit beaucoup au fait que des artistes de classe mondiale ont régulièrement utilisé certaines de ses consoles conçues dans les années soixante dix…
C’est dans les années soixante qu’il se met à concevoir du matériel professionnel et finit par jeter les bases de la console d’enregistrement telle que nous la connaissons aujourd’hui. La société Neve va connaître un succès fulgurant, puisqu’elle produira pas moins de quatre cents consoles. De ses cartons sortira par ailleurs un système d’automation à faders motorisés, le NECAM (une véritable révolution à l’époque, et toujours d’actualité, et qui s’était rapidement imposée dans l’audiovisuel), basé sur une technologie issue du « secret défense ».
Après avoir revendu ses parts en 1977, Rupert Neve continue à construire des consoles sur mesure, dont la série Custom et la fameuse Air Monserrat, jusqu’au rachat, par Siemens, de la firme qui porte son nom. Après avoir fondé Focusrite en 1985, dont il se sépare suite à des difficultés de financement, il devient consultant chez Amek, exerçant ses talents de concepteur aux côtés de Graham Langley, à qui l’on doit notamment la fameuse « big ». Dans les années 2000 il est mandaté par Taylor Guitars pour concevoir le préampli K3 destiné à la guitare acoustique.
L’aventure américaine
En 2002, Rupert and Evelyn Neve deviennent des citoyens américains, idem pour sa compagnie ARN Consultants régie dorénavant sous des statuts américains. C’est en 2005 que Rupert Neve et Josh Thomas créent Rupert Neve Designs à la suite de quoi ils lancent le 5012 Mic Pre Duo (5012-V, 5012-H) qui inaugure la gamme Portico (Portico 2 Master Buss Compressor, Portico 2 Channel).
Viendra en 2013 la série à succès Shelford qui embarque un préampli micro à transformateur, des égaliseurs basés sur de véritables shelf, ainsi qu’un compresseur à pont de diode. Rupert Neve et le reste de l’équipe voulaient concevoir un module qui intègre toutes ces sonorités emblématiques associées au design de Rupert Neve tant recherché depuis les années 70, mais avec un ensemble de fonctions bien plus adapté au processus de production actuelle.
Nous sommes bien là dans le digne héritage du célèbre 1073 qui, au départ, intégrait la console A88 aux 28 entrées Wessex et qui avait la particularité d’être un préampli à transistor de classe A embarquant un transformateur pour chacune des entrés/sorties ce qui était rare à l’époque.
J’ai rencontré beaucoup de concepteurs audio et eu le temps d’observer leur travail pour beaucoup d’entres eux. Rupert et les ingénieurs présents à Rupert Neve Designs m’ont toujours appris que la théorie c’est une chose, mais c’est l’oreille qui conduit à la décision finale. Rupert travaille très différemment des autres ingénieurs que j’ai connus. Il écoute longuement le son des circuits qu’il conçoit, fait des changements parfois minuscules en fonction de ce qu’il entend, puis réécoute jusqu’à ce que le résultat sonne comme il pense qu’il doit sonner. Cela concerne autant les principes de base de ses designs audio que leur mise en pratique à tous les niveaux, du design du transformateur à la courbe de l’EQ. Ces idées qui l’ont accompagné durant des décennies nous ont été transmises jusqu’ici à RND. On les retrouve incarnées dans tous nos produits.
Déclaration de Josh Thomas (co-fondateur deRupert Neve Designs) à propos de Rupert Neve
Enfin, Rupert Neve Designs c’est aussi l’interface RMP-D8 dont le principe réside dans les cartes de préamplis micro modulaires et là encore intégrant des transformateurs « maison » sans oublier la console 5088 qui réitère tout le savoir faire de Rupert Neve acquis durant de longues années.
Alors d’où vient ce savoir faire ?
Qu’en est-il de cette fameuse signature sonore qu’on retrouve dans des milliers d’enregistrements chaque année ? Rupert Neve a la réputation d’être intraitable sur les paramètres de bande passante, et d’avoir été l’un des premiers à insister sur l’importance du spectre au-delà des classiques 20/20 000 Hz. Les faits semblent lui donner raison. En 1977, alors qu’il venait juste de revendre sa société, on est venu le trouver pour tirer au clair un problème sur une console qui venait d’être livrée à Air Studio, et ne sonnait soi-disant pas comme elle l’aurait dû. En s’enfermant avec l’ingénieur maison, il a fini par découvrir que trois des quarante-huit voies comportaient un défaut qui provoquait une résonance de 3 dB à 54 kHz ! Si cet homme aux oreilles exceptionnelles, qui passe son temps à écouter, sent que quelque chose ne va pas, sans doute y a-t-il une raison. C’est ce qui l’a incité à mettre au point un test d’écoute comparatif, à fréquences égales, entre une sinusoïde et un signal carré, dont le premier harmonique est par définition trois fois plus haut que la fondamentale. La théorie voudrait donc qu’à partir de 6 ou 7 kHz, il soit impossible de différencier une forme d’onde sinusoïdale d’une forme d’onde carrée, dont les harmoniques « sortent » du spectre audible. Or, en pratique, il n’en est rien : même avec une fondamentale de 15 kHz, ce signal carré demeure parfaitement identifiable. Cela signifie que notre écoute subit l’influence de fréquences supérieures à 20 kHz, qu’un processus naturel nous permet de percevoir. Du coup, il a bâti pour Air une console entièrement sur mesure, avec une bande passante initiale d’environ 1 MHz, qu’il a finalement limitée à 250 kHz ! Au bout du compte, cette console a atterri dans le studio privé de George Martin, à Monserrat…